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Page:Leroux - Les Étranges Noces de Rouletabille, 1918.djvu/139

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DE ROULETABILLE
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déroute. Plus de cinquante pièces d’artillerie étaient restées embourbées dans les ornières jusqu’aux essieux, abandonnées par leurs attelages dont les traits coupés pendaient encore à terre… puis c’étaient des caissons épars, un amoncellement fabuleux de cartouches à obus, non tirés, les uns rouges (les shrapnells ordinaires), les autres jaunes (obus explosibles), qui paraissaient d’étranges et somptueuses fleurs écloses en une nuit dans ce champ farouche…

Plus de 10 000 mausers et des millions de cartouches avaient été également jetés sur les routes pour délester les voitures… des approvisionnements considérables… tout cela abandonné sans qu’on eût même pris la peine ni le temps de la destruction. tant on avait hâte de fuir !…

Les soldats du général Radko Dimitrief, à ce spectacle, poussaient des hourras !…

Quant aux reporters, de même qu’ils avaient été les premiers à entrer dans le fort, ils furent les premiers à pénétrer dans la ville. Ce fut Ivana qui en prit possession sans que personne, du reste, s’y opposât, car ils ne rencontrèrent personne. Ils passèrent entre les ouvrages militaires, les redoutes abandonnées… pas un soldat !… pas un visage humain !…

Les quelques habitants qui n’avaient pas fui s’en étaient allés de bonne heure, par une autre route, au-devant de l’ennemi, pour lui annoncer l’abandon de la ville et lui apporter des fleurs !…