Aller au contenu

Page:Leroux - Les Étranges Noces de Rouletabille, 1918.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

44
LES ÉTRANGES NOCES

lage à la nouvelle que les armées avaient passé la frontière. Entre les comitadjis, il était aussi question d’un certain Dotchov dont le nom semblait faire bouillir toutes les cervelles et aussi d’un certain « pré des porchers » dont les termes : svinartka lenki, revenaient à chaque instant dans la conversation comme un leit-motiv.

La petite troupe grossissait sans cesse ; il arrivait des Bulgares de partout, on aurait dit qu’ils sortaient de terre, qu’ils tombaient des arbres.

Le pope Goïo s’agitait au milieu d’eux et, pour mieux se faire entendre, parlait en agitant le crucifix d’une main et l’un de ses pistolets de l’autre.

Ce brave ecclésiastique avait une façon spéciale de catéchiser les fidèles. Il demandait au jeune homme qui portait le drapeau et qui était un néophyte :

— Combien as-tu l’intention de tuer de Turcs ? Combien as-tu fabriqué de cartouches ? Si tu en as fait moins de trois cents, tu n’auras pas la communion. As-tu bien graissé tes armes ? préparé des biscuits ?

Et comme on riait autour de lui, il déclara en se tournant vers la troupe :

— C’est comme ça que je confesse depuis deux mois !

— Quand nous aurons affranchi la Thrace, nous te ferons exarque ! s’écria Ivan le Charron.

— Il y en a déjà un à Constantinople ! répliqua-t-il. Deux soleils ne peuvent exister en même