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Page:Leroux - Mister Flow.djvu/68

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vaincu sans réserve. Plus une idée. Plus une réflexion. Pas même le « me les rendra-t-elle ? » qui a commencé à me hanter ! La nuit est noire, comme sa robe, et je ne vois que son soulier d’argent à côté du mien. Tout ce qui m’entoure n’existe plus, les pelouses, la plage, la mer, vers laquelle nous descendons, dans cette solitude obscure, l’odeur du vent d’Ouest, il n’y a plus rien qu’elle et son parfum ! Elle m’emporte où elle veut. Il n’y a même plus d’étoiles au ciel, plus qu’elle et moi sur la terre et sur ces planches, derrière la nuit plus opaque des cabines.

Nous ne nous sommes pas dit un mot. Et, tout à coup, je lui prends la tête dans mes deux mains et je lui colle ma bouche sur les lèvres. Elle se dégage et s’enfuit, toujours en silence.

Je cours derrière elle, mais je l’ai perdue. On ne voit pas à dix pas. Je la cherche à tâtons, dans les ténèbres. Elle est partie, vers la mer, que j’entends. Je l’appelle : Helena ! Helena ! Rien ne me répond…

Je cours comme un fou, je rencontre la lame doucement expirante et qui me mouille les chevilles. Je reviens sur mes pas, je les mêle… Et soudain, je trébuche contre un corps : c’est elle ! Et, je m’écroule à mon tour. Je la roule dans mes bras. Ses lèvres me rendent goulûment ma morsure, les seins tant attendus sont ma proie. Et j’ai cette lady, dans sa robe de gala, avec la violence et le saccage d’un portefaix qui prend une fille sur les dalles d’un port, derrière un chargement de cacahuètes.