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Page:Leroux - Mister Flow.djvu/71

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Plus tu seras Lawrence, en toute occasion, plus tu auras ta partie gagnée !…

— Est-ce bien sûr ? C’est que j’ai rêvé de jouer une autre partie que celle-là, moi ! Allons ! maître Rose, la nuit n’est point terminée ! Si tu crois que la victoire est encore en suspens, profite des dernières heures qui te restent avant l’aurore et triomphe ! joue ton va-tout ! qu’elle s’écrie encore, mais cette fois, dans un râle suprême : Je ne vous reconnais plus, Lawrence !…

J’ouvre ma fenêtre sur la terrasse. Un rai de lumière glisse sur ma gauche, entre deux rideaux mal joints. C’est là !… j’enjambe les balustres.

Ô ! nuit de jeunesse ! nuit d’escalade !… Déguisé comme un voleur, je cours à l’amour comme à un crime ! Mais les obstacles ordinaires de la vie n’existent plus pour moi. Je suis hors de tout et hors de moi-même. Je ne suis plus qu’une force et qu’un désir indomptable… On m’attend. Je plonge dans l’odeur chaude de son parfum et tu me reçois dans tes bras avides, Helena, ma bien-aimée !…

Mettez-vous à ma place, à mon âge, au centre de cette aventure fabuleuse qui me roule dans les ténèbres comme cette femme me roule dans son lit et je vous défie d’en parler sans un peu de romantisme. Tout cela aurait l’air très châteaux en Espagne si je n’avais à la cheville le bracelet très réel qui me rive à la chaîne des forçats. Cela commence par une échelle de soie et cela va peut-être se terminer, demain, tout à l’heure, par un départ à l’Île de Ré !