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Page:Leroux - Mister Flow.djvu/86

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sait prendre des poses, choisissait les étoffes, palpait les tissus. Elle ne me consultait point. Elle disait : « Croyez-vous que cela lui aille ? » Pour le vêtement tout fait qui devait remplacer mon « ridicule petit costume », ce fut un drame. Elle exigeait des retouches impossibles à faire dans les deux heures. Et personne ne saura jamais ce qu’elle peut dire de désagréable aux commis, aux directeurs, ni dans quelle langue !

Sur un signe, je dus lui passer une liasse de billets et elle réglait tout, après un contrôle exact, ramassant la monnaie dans son sac. Je crois que nous parcourûmes tout Rouen à la recherche de cravates. Son irritation, à la vue de celles qu’on lui exhibait, prenait des proportions inquiétantes : « Je ne veux pourtant pas aller en chercher rue de la Paix ; j’ai un « appontement » au Royal avec le petit Duc ! » Enfin elle mit la main sur des imitations de cachemire avec lesquelles Mary saurait me tailler quelque chose d’à peu près convenable : « À Deauville, ils n’ont que de la camelote pour la plage, pour joueurs de tennis… Je ne veux pas que vous ayez l’air rigolo, you understand ?… Ne vous occupez pas de la perle pour la cravate. J’en ai une de grande beauté. Je dirai à Fathi de vous la prêter, mais il faudra la lui rendre tous les soirs ! »

Cette dernière phrase m’avait un peu bousculé. Elle s’en aperçut. Après une tasse de thé à l’Hôtel d’Angleterre, comme nous étions sur le chemin du retour, et qu’elle me voyait gisant dans mon coin, encore tout étourdi, elle me dit : « Darling, il ne