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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/111

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Chapitre cinquième

La Page déchirée


I. — Qui sait si elle dort ou si elle est éveillée ?

Elle était étendue sur des lambeaux de couverture que les cigains avaient jetés là pour qu’elle y prît quelque repos, à la fraîcheur du crépuscule et sous le premier regard des étoiles. Leur cœur était à la fois joyeux et triste. Ils ramenaient vers la cité sainte leur petite reine retrouvée, mais elle restait si loin d’eux !… De tout le voyage, elle ne leur avait point adressé la parole, elle n’avait répondu à aucune de leurs questions ; une fois, elle avait tenté de s’enfuir.

Elle détournait la tête quand on s’approchait d’elle. Elle ne connaissait que Zina, qu’elle malmenait du reste assez souvent et avec laquelle elle avait de furieuses brouilleries qui se terminaient de part et d’autre par des larmes. Elle ne pleurait point devant les autres cigains. Elle était trop fière pour cela, mais elle leur montrait des yeux si tristes qu’ils en avaient l’âme malade.

Parfois, ils essayaient de la distraire en lui contant des histoires ou en jouant de leurs instruments bizarres un pas de danse en son honneur… Alors, elle fermait les yeux, comme ce soir… Mais qui sait si elle dort ou si elle est éveillée, la petite reine ?…