Aller au contenu

Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II. — Deux complices

À ce moment, le maître d’hôtel entra et annonça en allemand que les danses allaient commencer. « La nouvelle Loïe Fuller nationale !… » Mais nos deux compères se moquaient un peu de ce qui se passait sur la scène… Mme de Meyrens commanda des liqueurs et quand on les eut apportées, elle tira le verrou… Puis elle retira de sa poitrine une sorte de sachet en forme de portefeuille qui semblait contenir quelques précieux documents et elle vint s’asseoir auprès de Lauriac.

— Vous voyez ces deux lettres ? fit-elle en les sortant du sachet… Elles sont courtes… mais quand vous les aurez lues, vous ne douterez plus !…

— Elles sont de qui ?

— D’Odette !

— Peut-on vous demander comment vous vous les êtes procurées ?

— Certes ! Je les ai eues de la façon la plus simple… Je les ai volées !… chez Rouletabille… un jour que l’on venait de le cambrioler et que je me disais que, s’il s’apercevait de leur disparition, il mettrait celle-ci sur le compte du cambriolage !… Mais il n’a point pensé à ces lettres qui étaient mêlées à d’autres de sa correspondance intime, dans un tiroir secret que je connaissais et que les cambrioleurs, en fait, n’ont pas découvert… Il croit, assurément, les avoir toujours !…

Et elle lui passa les lettres…

La main d’Hubert tremblait en s’en saisissant. C’étaient deux petites feuilles minces sur lesquelles il y avait le chiffre d’Odette et l’en-tête gravé du Viei Castou Nou

Il n’avait jamais reçu de lettres comme celles-là, lui ! Et voici qu’il lut… d’abord la première en date :

« Mon cher petit Zo. J’ai raconté une histoire à papa… Je pars demain en voyage et je serai après-demain à Paris !… Je n’y tenais plus !… Il faut que je vois mon petit Zo !… Personne n’en saura rien !… Surtout ne venez pas me chercher à la gare !… Mystère et discrétion !… Faites le vide chez vous !… et que Jean ignore toujours… Votre petite Odette qui n’a plus de confiance qu’en vous !… Ah ! ce Jean… je le hais !… »

— Ah ! ah ! fit Hubert en essuyant son front en sueur… Voilà qui me paraît en effet définitif et qui correspond tout à fait avec la confidence qui m’a été faite dernièrement par un mourant…

— Un mourant ?… questionna Mme de Meyrens…

— Oui ! le propre domestique de Rouletabille.