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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/136

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— Olajaï !… Méfiez-vous d’Olajaï !… Il se mettrait au feu pour Rouletabille !…

On l’y a déjà mis, madame, reprit Hubert avec un méchant sourire… Oui ! le malheureux garçon a eu des malheurs… Il avait quitté la France avec la bande des bohémiens qui emmenait Odette, et, ceux-ci, persuadés qu’il était le complice de son maître qui les poursuivait, lui ont un peu brûlé la plante des pieds ! C’est dans cet état que je l’ai trouvé !… Comme il avait reçu aussi quelques coups de couteau, j’ai eu de la chance d’arriver avant qu’il fût tout à fait mort ! Je l’aurais bien regretté, car il m’a dit des choses fort intéressantes, entre autres celle-ci que Mlle de Lavardens était venue récemment à Paris chez son maître… Ce voyage correspond du reste avec la fugue d’Odette, quelques jours avant le drame de Lavardens et le renvoi de la vieille gouvernante qui l’avait accompagnée et qui ne savait rien lui refuser !…

— Vous voyez que tout s’enchaîne !… exprima Mme de Meyrens en tendant une cigarette à Lauriac qui, dans son émoi, avait laissé éteindre la sienne.

— Oui, tout s’enchaîne… mais tout de même, j’étais loin de me douter qu’une visite d’Odette à Rouletabille pouvait avoir une pareille signification !… J’avais pensé que Santierne n’ignorait pas cette visite-là et que ce singulier voyage avait été arrangé avec lui et peut-être par lui !…

— Comme on se trompe !…

— Après cette lettre, vous avez raison : je ne peux plus douter.

— Lisez l’autre !

La seconde lettre était aussi courte, mais elle avait au moins autant de signification que la précédente.

« Mon cher petit Zo, je suis bien arrivée… Papa s’est douté de quelque chose… Il a fini par faire parler notre pauvre « mama »… Il y a eu une scène terrible et il l’a renvoyée !… J’ai bien pleuré, mais je ne regrette rien !… Il n’y avait que mon petit Zo pour me consoler !… À bientôt, je l’espère… Les bonnes heures reviendront !… »

— N’en jetez plus ! gronda Hubert qui desserra son faux col.

Il était congestionné… Il avala un grand verre d’eau… Maintenant il détestait Rouletabille plus que Jean !…

— Eh bien, fit-il en rendant les lettres à Mme de Meyrens qui les réclamait et qui les remit précieusement dans sa poitrine, eh bien, je puis vous dire une chose, moi, c’est qu’ils ne l’auront ni l’un ni l’autre !… et je vais vous en donner la preuve à mon tour.

— Ah ! la confiance renaît !…

— Nous avons partie liée !… Le même intérêt nous guide… Une femme comme vous et un homme comme moi doivent fatalement triompher… d’autant que la partie est déjà à moitié gagnée !… déclara Hubert en tirant de la poche intérieure de son vêtement un parchemin soigneusement plié.

» Vous n’ignorez peut-être pas, madame, que si les bohémiens tiennent tant à Mlle de Lavardens, c’est qu’ils veulent en faire leur petite reine !…

— Oui, l’histoire commence à courir le monde… Mais pourquoi Mlle de Lavardens ?

— Parce qu’elle est née dans des conditions annoncées par leur Livre des Ancêtres, d’une princesse de Sever-Turn et d’un noble étranger… qui n’est autre que M. de Lavardens.

— Très intéressant ! fit Mme de Meyrens qui ne perdait pas un mot de ce que lui