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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/147

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Jean pâlit.

— C’est un infâme mensonge ! lança-t-il, la voix rauque.

— C’est ce que je lui répondis ou à peu près !…

— J’en doute, monsieur, déclara Jean qui avait peine à maîtriser la colère qui commençait à galoper dans ses veines… j’en doute, car, si j’ai bonne mémoire, au cours de cette instruction qui avait bien des chances de vous être fatale si celui que vous accusez aujourd’hui n’avait démontré votre innocence, vous avez tenu des propos tels qu’ils eussent pu me faire douter de la bonne foi et de la sincère amitié de Rouletabille ! Heureusement que je connais son cœur depuis longtemps et que je le sais incapable d’une pareille trahison !…

— La situation exceptionnelle dans laquelle je me trouvais, répliqua Hubert, dont le sang-froid contrastait de plus en plus avec l’agitation de son interlocuteur, a pu me faire émettre des propos dont je n’ai pas mesuré la portée… j’étais votre victime à tous… et l’injustice qui pesait sur moi, surtout de votre fait, monsieur, me faisait tenir des discours qui, certainement, n’étaient pas destinés à vous être agréables ! Mais de là à accuser Rouletabille, il y avait un abîme !… Mais Mme de Meyrens, elle, l’accuse ! Vous avez voulu savoir ce qu’elle m’a dit. Je vous ai rapporté fidèlement ses paroles…

— Et vraiment, vous avez protesté…

— J’ai demandé des preuves !

— Et elle vous les a fournies ?…

— Parfaitement !…

— Vous en avez trop dit ou pas assez ! Je suis maintenant en droit de tout savoir… Quelles sont ces preuves ?

— Saviez-vous, monsieur, que Mlle de Lavardens, quelques jours avant le drame du Viei Castou Nou s’était rendue à Paris ?

— À Paris !… allons donc !… j’en aurais été le premier informé !… mais je savais qu’elle avait fait un voyage…

— Eh bien, elle était chez Rouletabille !…

— Chez Rouletabille !… Si Mme de Meyrens vous a réellement dit une chose pareille, Mme de Meyrens a menti !… Ah ! l’abominable femme ! s’exclama Jean qui suait à grosses gouttes et qui s’assit, car cette horrible histoire commençait à l’étourdir…

— Je me serais bien gardé de croire Mme de Meyrens sur parole, répliqua Hubert avec le plus cruel des sourires, mais elle m’a montré deux lettres de Mlle de Lavardens, l’une annonçant à Rouletabille son arrivée et le priant de ne vous en rien dire, l’autre lui faisant part, dès son retour chez son père, de la colère de celui-ci. Cette dernière épître se terminait par une phrase où Mlle de Lavardens émettait l’espoir du prochain retour des bonnes heures passées ensemble !…

Jean connaissait Odette, sa fierté, sa