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Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/172

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SUR MON CHEMIN

paroles qui leur venaient des couches voisines et s’assoupissaient. Dans un dernier wagon, des jeunes gens jouaient au poker, et un curé faisait sa toilette de nuit. Il était affreux.

Je sortis sur les terrasses. L’air était glacé ; le ciel, d’un azur sombre cloué d’étoiles. Elles avaient un éclat que je ne leur connaissais point. La voie lactée me parut plus grouillante d’univers. Voici la Grande-Ourse, et la Ceinture d’Orion, et les Pléiades. Alkor a grandi, et les planètes sont plus éclatantes.

Sur les plaines, les feux de la locomotive passent, jetant de larges et rapides triangles de lumière. Des arbres noirs apparaissent, rejetés immédiatement dans l’ombre, et des mares stagnantes, des étangs, des fleuves…

Une ligne blanche à l’horizon, puis rose, et le vert véronèse qui mange l’azur nocturne, les étoiles qui s’éteignent, des nuages de sang, le soleil. Je vais voir les grands steppes. Une buée, un brouillard infini comme la terre. Mais cela se dissipe sous les rayons de l’astre, et la campagne russe apparaît. Non, ce n’est point le steppe, cette jungle du Nord avec ses herbes hautes, jaunes et brûlées, avec la mer de ses végétations stériles, le steppe où le poète a fait courir le cheval de Mazeppa. Il nous faudrait aller, pour le voir, jusque dans la Petite-Russie.

Ici, la campagne a une jeunesse de printemps. Les prés verts sont hospitaliers aux troupeaux. Des vaches apparaissent, abandonnées au milieu