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Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/379

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pas attendre indéfiniment sa rémunération ; c’est ensuite que son gain ne peut pas être entièrement subordonné aux résultats variables d’une entreprise dont il n’a pas eu l’idée, dans le succès de laquelle parfois il n’a aucune confiance. Ainsi remarquez que la participation aux bénéfices, autour de laquelle on a fait beaucoup de bruit et que nous approuvons toutes les fois qu’elle est possible, ne supprime pas le salaire ; elle le laisse subsister comme la partie principale de la rémunération du travail ; elle y ajoute quelque chose, mais, d’ordinaire, peu de chose, le dixième ou le cinquième du salaire. La participation aux bénéfices n’exclut donc pas le salaire comme le croient quelques esprits superficiels ; elle s’y joint seulement comme un supplément, une surérogation ; c’est à tort que quelques déclamateurs, épris de la participation, croient devoir décrier le salariat ; ils montrent qu’ils n’ont pas le sens de la proportion des choses. La participation est comme un condiment qui relève le goût de la nourriture, qui la rend plus agréable, plus salubre, mais qui n’est pas la nourriture elle-même. Si grands que soient les mérites du sel, du poivre, du vinaigre ou de l’ail, il ne viendra à l’esprit de personne qu’un ouvrier puisse se nourrir uniquement d’ail, de vinaigre, de poivre ou de sel, sans un seul morceau de pain ou de viande. La participation aux bénéfices est relativement à la rémunération de l’ouvrier ce que le sel, le poivre, le vinaigre ou l’ail sont à sa nourriture ; un excitant, un condiment, rien de plus, ce serait folie de croire qu’elle puisse en général suffire ; et de même que les divers piments ne doivent pas supprimer l’usage du pain ou de la viande, de même la participation aux bénéfices ne saurait supprimer le salaire ; il est étrange que des vérités aussi simples échappent à beaucoup de gens.

Une autre raison encore fait du salaire le contrat le plus naturel, celui qui sert de base, ou si nous pouvons parler ainsi de norme à tous les autres. Qu’est-ce que l’ouvrier fournit ? Une quantité constante d’efforts ou de force : son travail pendant tant d’heures par jour. Supposons deux ouvriers travaillant dans deux usines voisines, l’un et l’autre également assi-