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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/176

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VINGT-NEUVIÈME AVENTURE.

bout de quelques minutes : « Qui va là-haut ? » dit-il, « et qui se permet de parler ? — Va ! » dit Ysengrin, « je te reconnois. — Je vous reconnois aussi ; oui, je fus autrefois votre bon voisin, votre compère, et je vous aimois comme votre neveu ; mais aujourd’hui je suis feu Renart ; j’étois assez sage durant ma vie, aujourd’hui je suis, Dieu merci, trépassé, et je me trouve dans un lieu de délices. — S’il est vrai que tu sois mort, » répond Ysengrin, « je n’en suis pas autrement fâché ; mais depuis quand ? — Depuis deux jours. Ne vous en étonnez pas, sire Ysengrin : tous ceux-là mourront qui sont encore en vie ; tous passeront le guichet de la mort. Notre Seigneur, dans sa bonté, m’a tiré de la vallée de misère, du siècle puant dans lequel j’étois embourbé, puisse-t-il aussi vous visiter, Ysengrin, à l’heure de la mort ! Mais d’abord, je vous engage, et dans votre intérêt seul, à changer de dispositions envers moi. — Je le veux bien, » répond Ysengrin ; « puisque te voilà mort, je prends Dieu à témoin que je n’ai plus de haine : je commence même à regretter que tu ne sois plus du monde. — Et moi j’en ai grande joie. — Comment ? Tu parles sérieusement ? — En pure vérité. — Mais explique-toi. — Volontiers. D’un côté mon corps repose dans la maison de ma chère Hermeline,