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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/205

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L’INSTRUCTION DU PROCÈS.

l’avoit envoyé de Lombardie au roi Noble, en qualité de légat. C’étoit un légiste de grande autorité. « Maître, » lui dit le Roy, « avez-vous souvenir de telles clameurs levées et accueillies, dans vos contrées ? Nous voudrions bien avoir sur ce point votre avis. » Le Chameau prit alors aussitôt la parole :

« Quare Messire me audité ; nos trobames en decret, à la Rebriche de matremoine violate, primo se doit essaminar, et se ne se puo este purgar, le dois grevar tu ensi que te place, perché grant meffait ha fatto. Hec e la moie sentenza ; et sel vuol tornar en amendance, je dis que si puo prender molto de la pecune, ovvero lapidar ou ardre lo corpo de l’aversari de la Renarde ; et si vo di, buon Rege, que nus ne deit vituperar la lei, et que l’en deit toute jorno ben et dreitament judicar, si com fece Julius Cesar l’empéreres. Et ensi fais, bon signor, ce que juger dois, quar non es bone rege, se ne vuol far de droit tort. Vide bon favela, et tene toi par la tue baronie, car altrement cure n’aras de roialta, et tu ne pas estar bon rege : Favellar come ti plaira, che plus n’en sa ne n’en vuol dire. »

Ce discours fut accueilli par les barons de façon diverse. Les uns en murmurèrent, les autres s’en prirent à rire. Sire Noble seul conservant toute sa gravité : « Écoutez-moi tous,