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Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/266

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QUARANTE-CINQUIÈME AVENTURE.

vous a rendu meilleur service, à lui seul, que tous vos autres barons réunis. On m’a diffamé auprès de vous : mon malheur a voulu que je n’aie jamais joui tout un jour de votre bienveillance. On me dit que, grace aux flatteurs qui vous entourent, vous voulez me faire condamner à mort. Peut-on s’en étonner, quand le Roi se complaît dans le rapport de gens sans honneur, quand il répudie le conseil de ses barons le mieux éprouvés ? Dès que l’on abaisse les têtes pour exalter les pieds, l’État doit trouver en mauvais point ; car ceux que Nature a fait serfs ont beau monter en puissance, en richesse, ils ont toujours le cœur servile, et leur élévation ne leur sert qu’à faire aux Nobles de cœur et de naissance tout le mal possible. Jamais chien affamé ne se contentera de lécher son voisin. Les serfs ne sont-ils pas le fléau des pauvres gens ? ils conseillent le changement des monnoies pour enfler leur bourse, ils rongent les autres et profitent seuls de toutes les iniquités qu’ils ont provoquées. Mais je voudrois bien savoir ce que Brun et Tybert viennent reclamer de moi. Assurément ils peuvent, avec l’appui du Roi, me faire beaucoup de mal, qu’ils aient tort ou raison ; mais enfin, si Brun fut surpris par le vilain Lanfroi, comme il mangeoit son miel, qui pouvoit