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Page:Les illégalités et les crimes du Congo, 1905.djvu/31

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n’ai pas la sotte prétention de demander l’abandon de notre domaine colonial. Outre que ce serait se vouer d’avance à l’insuccès d’une juste cause maladroitement compromise, nous avons contracté des obligations envers les populations que nous n’avons pas le droit de précipiter dans le chaos après leur avoir inoculé nos vices et nos maladies et les avoir décimées. D’autre part, je sais trop le lien étroit qui existe entre le système colonial et le régime capitaliste pour nourrir l’illusion que le premier puisse disparaitre avant le second. Ce qui est possible et nécessaire c’est : 1° la répression — sans faiblesse et sans outrance individuelle — des crimes accomplis ; 2° la modification radicale de l’organisation gouvernementale administrative, financière de nos colonies ; l’institution d’un contrôle incessant ; d’une responsabilité effective ; le remaniement des délimitations ; la transformation du recrutement des cadres coloniaux ; la suppression de l’impôt commercial ; l’abandon de l’idée de la colonie fiscalement profitable et de l’indigène taillable et corvéable à merci, la réforme de la magistrature coloniale ; la création des fonctions — déjà établies ailleurs — de Protecteurs des Indigènes avec larges attributions et autonomie ; le remaniement complet du système fiscal. 3° la suppression immédiate et sans indemnité, vu la violation du cahier des charges, de toutes les concessions (applaudissements).

Voilà ce que le Gouvernement de la République doit, et doit sans retard, comme un minimum, à l’humanité trop longtemps outragée, aux indigènes maltraités, à la France qui ne peut laisser indéfiniment ni déshonorer son grand non, ni compromettre ses intérêts essentiels. J’ose espérer que le mouvement inauguré ce soir ici contribuera puissamment à forcer la main à nos gouvernants, même s’ils n’ont ni l’esprit assez clairvoyant, ni la raison assez haute, ni la conscience assez ferme pour démêler d’eux-mêmes et pour accomplir spontanément un devoir aussi primordial (Applaudissements prolongés).