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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/17

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LA JEUNESSE DE NOVALIS

française, dénigrant avec passion la sagesse terre à terre de « l’ère des lumières », la prudente médiocrité des idées rationalistes sur l’art, la morale, la religion, prêchant la révolte contre la tyrannie de la froide raison au nom des droits supérieurs de l’imagination et du cœur, accablant de leurs railleries et de leurs sarcasmes les philistins effarouchés ou les défenseurs de l’ordre établi.

Des décadents : car ces contempteurs de la société et de la culture du temps sont en même temps des blasés rongés par le spleen, sceptiques jusqu’au complet nihilisme moral, déprimés par l’abus de l’analyse dissolvante d’eux-mêmes et de l’ironie corrosive, destitués de toute énergie pour l’action virile ; ce sont des acteurs qui jonglent avec les mots et les sentiments, qui se composent des attitudes théâtrales, qui sont devenus incapables, finalement, de discerner au juste où finit chez eux la sincérité et où commence le cabotinage.

Des apôtres pourtant : car ces comédiens annoncent avec une assurance imperturbable et une superbe grandiloquence, un renouveau de la culture européenne, ils se posent en réformateurs de la littérature, de la philosophie, de la science, des mœurs publiques, de la religion elle-même ! Ils rêvent une vaste synthèse où viendront se fondre tous les intérêts sociaux et moraux, religieux et artistiques de l’humanité et se tiennent pour les