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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/18

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LA JEUNESSE DE NOVALIS

prophètes chargés d’annoncer aux hommes cet évangile nouveau.

Frédéric Schlegel, lorsqu’il débarque à Leipzig, en 1791, âgé de dix-neuf ans comme Novalis, résume en sa personne tous les traits du romantique tel que nous venons de le dépeindre. Destiné par sa famille d’abord aux affaires, puis, aux études juridiques, il ressent une aversion décidée pour les unes comme pour les autres et débute ainsi dans la vie par une crise pénible d’incertitudes et de stériles agitations. Le commencement de son séjour à Leipzig marque précisément le point culminant de ses désordres et de sa détresse matérielle et morale. Incapable de s’imposer à lui-même une discipline stricte, il vit au hasard, dispersant ses efforts et gaspillant son temps, se partageant entre l’étude et la société s’appliquant volontairement à devenir un homme du monde accompli et accumulant entre temps d’immenses lectures qui embrassaient tout à la fois l’histoire et le droit, la politique et la poésie ancienne, la littérature et la philosophie contemporaines. C’est un dilettante intellectuel perpétuellement occupé à s’analyser lui-même, plein de mépris pour le « vil troupeau », gonflé de « l’aspiration vers l’infini », ballotté entre l’enthousiasme et le dégoût, persuadé qu’il est « unique » au monde, que nul ne le comprend, qu’il n’est pas fait pour être aimé, assoiffé néanmoins d’amour et