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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/109

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THUCYDIDE, LIV. I.

ils devraient mettre en évidence leur vertu, en reconnaissant un droit des gens, résultant de traités respectifs.

Chap. 38. » Mais c’est ce qu’ils ne pratiquent ni avec les autres, ni avec nous. Sortis de notre sein, ils se sont toujours montrés rebelles, et maintenant ils nous font la guerre. Ils disent qu’on n’a pu les envoyer en colonie pour être maltraités ; nous, nous leur répondons que nous les avons envoyés en colonie, non pour en être outragés, mais pour les commander et en recevoir les respects qu’ils nous doivent. Nos autres colonies nous révèrent ; je dirai plus, elles nous aiment ; et si nous sommes agréables aux autres colons plus nombreux, et que nous leur déplaisions à eux seuls, n’est-il pas évident qu’eux seuls en doivent être accusés, et que nous serions condamnables de leur faire la guerre si nous n’avions pas été grièvement offensés ? Eussions-nous ce tort, ce serait un honneur pour eux de céder à notre colère, autant qu’une honte pour nous d’opposer la violence à la modération. Mais, devenus insolens et fiers de leurs richesses, après bien d’autres injures, ils viennent d’envahir Épidamne, qui nous appartient ; cette ville qu’ils n’ont pas revendiquée lorsqu’on l’opprimait, et qu’ils ont prise de vive force quand nous venions la secourir.

Chap. 39. » Ils affirment qu’ils ont voulu d’abord être jugés par les lois de la justice. Mais on doit croire qu’elle est respectée non par celui qui, après avoir d’avance pris tous ses avantages, provoque d’un lieu sûr à je ne sais quelle discussion, mais par celui qui, avant d’entrer en lice, établit et ses actions et ses discours sur le niveau des lois. Or, ce n’est pas avant d’assiéger Épidamne, mais lorsqu’ils ont cru que nous ne mépriserions pas cet outrage, qu’ils ont mis en avant le beau nom de justice ; et ils viennent ici non seulement coupables d’injustices commises à Épidamne, mais encore prétendant vous inviter à présent, non à un traité d’alliance, mais à une société de crimes, et persuadés que vous les accueillerez, eux nos mortels ennemis. Puisqu’ils vous ont exclus du fruit de leurs crimes seuls, ne convient-il pas qu’ils vous épargnent les résultats de ces mêmes crimes ! C’était quand ils n’avaient rien à craindre qu’ils auraient dû faire cette démarche, et non quand nous sommes offensés, quand ils sont en danger, quand, sans avoir eu part à leur puissance, vous leur ferez part de vos avantages ; quand enfin, étrangers à leurs fautes, vous en deviendrez complices à nos yeux. Que ne venaient-ils autrefois partager avec vous leur puissance ? vous auriez couru en commun les hasards des événemens. Mais s’ils vous ont exclus de l’avantage de leurs crimes seulement, excluez-vous des événemens qu’entraînent ces mêmes actions.

Chap. 40. » Que nous ne paraissions devant vous qu’avec les preuves positives de nos droits, que ces gens-là soient coupables de violence et d’usurpation, c’est ce qui est démontré. Apprenez maintenant que vous ne pourriez les recevoir sans injustice.

» Si le traité porte qu’il est permis aux républiques, à ceux qui n’ont pas d’alliés, d’en choisir à leur gré, cette clause ne regarde pas ceux qui n’entreraient dans une alliance que pour nuire à autrui : elle concerne la république qui, sans priver une autre de son alliance, aurait besoin de pourvoir à sa sûreté ; une république qui n’apportera point à ceux qui la recevront (supposé que ceux-ci aient des sentimens pacifiques), la guerre au lieu de la paix : malheur que vous éprouverez, si vous ne nous croyez pas ; car