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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/11

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de s’arrêter, quoiqu’il les charge avec furie ; car ces Grecs intrépides le reçoivent sans se rompre, et le repoussent à coups de piques et d’épées.

» Au milieu d’eux est Achille, qui donne ses ordres, et qui les presse de marcher. Ce héros était venu à Troie avec cinquante vaisseaux qui portaient chacun cinquante hommes. Il les avait partagés en cinq corps, que cinq capitaines, d’un courage éprouvé et d’une fidélité connue, commandaient sous lui. »

Ainsi, Achille avait partagé ses deux mille cinq cents hommes, comme, plus tard, les Romains divisèrent leurs cohortes, et comme nous avons formé nous-mêmes nos bataillons.

On voit aussi, dans l’Iliade, que les Grecs n’étaient pas étrangers à l’art de fortifier un camp, puisque Nestor dit au fils d’Atrée : « Nous enfermerons notre camp dans une muraille flanquée de tours très élevées, pour servir de rempart à nos vaisseaux et à nos troupes. On y placera, d’espace en espace, de bonnes portes assez grandes pour y faire passer nos chars, et nous l’environnerons d’un fosse large et profond, que les hommes et les chevaux ne puissent franchir. Ces travaux nous assureront contre les sorties de nos ennemis, et mettront notre camp hors d’insulte. »

Quant à la cavalerie, Homère n’en présente aucun combat dans l’Iliade : tous se livrent à pied ou sur des chars.

Tels étaient les premiers pas faits par l’art militaire, lorsque Cyrus entreprit la conquête de l’Asie. Xénophon nous apprend que la discipline des Perses, à cette époque, égalait celle de sa nation. Mais l’Asie-Mineure était peuplée de villes grecques dont les habitans combattaient très peu différemment des Grecs de l’Europe ; Crésus en avait même beaucoup à sa solde. On en désirait dans toutes les armées, et c’était leur tactique et leur discipline que l’on prenait pour modèles quand on voulait s’assurer la victoire. Cyrus, voulant porter la guerre chez des peuples de l’Asie, qui mettaient toute leur confiance dans les gros bataillons, avait bien compris qu’il devait recourir à l’art pour suppléer au nombre ; aussi la bataille de Thymbrée annonce-t-elle autant d’habileté dans le général qui la dirigeait, que de courage et d’instruction dans les troupes qui exécutaient les manœuvres.

Cet événement décida de l’empire de l’Asie entre les Assyriens de Babylone et les Perses.

C’est la première bataille rangée que nous connaissions avec quelque exactitude (541 ans av. not. ère) ; on doit donc la regarder comme un monument précieux de la plus ancienne tactique. Xénophon, qui l’a décrite, avait campé à Thymbrée, avec l’armée du jeune Cyrus, environ cent cinquante ans après la défaite de Crésus, roi de Lydie.

Les détails d’une action si glorieuse pour les Persans n’étaient pas effacés de l’esprit de leurs capitaines : on regardait encore ce combat, au temps de Xénophon, comme le chef-d’œuvre du plus grand général de la nation : c’était le fondement de la tactique des Perses ; son exemple servait toujours à décider la question de l’art militaire. Xénophon ne nous en laisse pas douter ; et l’exactitude avec laquelle il décrit les suites de cette journée prouve le soin qu’il avait mis à s’instruire des circonstances qu’il rapporte.

Il y avait déjà quelques années que la guerre durait entre le roi des Mèdes et le roi de Babylone, allié de Crésus, lorsque Cyrus, fils du roi de Perse et neveu de Cyaxare, livra la bataille que nous allons décrire. Les Babyloniens et les Lydiens s’étaient fortifiés du