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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/114

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THUCYDIDE, LIV. I.

hommes sans caducée, et de les envoyer aux Athéniens pour sonder leurs dispositions. « Athéniens, dirent ces députés, vous commettez une injustice, en commençant la guerre et rompant le traité ; car vous prenez les armes contre nous pour mettre obstacle à la vengeance que nous voulons tirer de nos ennemis. Si vous prétendez nous empêcher de nous porter contre Corcyre, ou ailleurs, suivant notre volonté ; si vous avez résolu de rompre la paix, prenez-nous les premiers, nous qui venons nous remettre en vos mains, et traitez-nous en ennemis. »

Ils parlèrent ainsi : tous les Corcyréens qui pouvaient les entendre, s’écrièrent qu’il fallait les arrêter et les tuer. Mais les Athéniens répondirent : « Nous ne commençons pas la guerre, Péloponnésiens, et nous ne violons pas le traité ; mais nous sommes venus au secours des Corcyréens, qui sont nos alliés. Naviguez où il vous plaira ; nous n’y mettons aucun obstacle : mais si vous attaquez Corcyre, ou quelque lieu qui en dépende, nous ferons tout pour nous y opposer. »

Chap. 54. Sur cette réponse des Athéniens, les Corinthiens se disposèrent à regagner leur pays : ils dressèrent un trophée aux Sybotes, sur le continent. Les Corcyréens recueillirent les débris de leurs vaisseaux et leurs morts ; la vague les avait poussés au rivage, et un vent de nuit tes avait dispersés sur toute l’étendue de la côte. Ils dressèrent, de leur côté, en qualité de vainqueurs, un trophée dans un autre endroit qui porte aussi le nom de Sybotes, et qui est dans une île. Voici les raisons qu’avaient les deux partis de se regarder comme victorieux. Les Corinthiens, supérieurs dans le combat naval jusqu’à la nuit, avaient recueilli leurs morts et les débris de leurs vaisseaux ; ils n’avaient pas fait moins de mille prisonniers, et avaient mis hors de combat environ soixante-dix navires ; ils se crurent donc en droit d’ériger un trophée. Les Corcyréens avaient détruit environ trente vaisseaux ennemis ; depuis l’arrivée des Athéniens, ils avaient rassemblé les débris de leurs bâtimens et recueilli leurs morts, et la veille, les Corinthiens, à la vue des vaisseaux d’Athènes, s’étaient retirés faisant partir la poupe la première, et quand ensuite les Corcyréens s’étaient présentés ils n’étaient pas venus à leur rencontre : d’après ces considérations, les Corcyréens avaient élevé un trophée.

Ainsi chaque parti s’attribua la victoire.

Chap. 55. Les Corinthiens, sur leur route, enlevèrent, par surprise, Anactorium, à l’entrée du golfe d’Ampracie. Il leur appartenait en commun avec les Corcyréens. Ils y laissèrent une colonie corinthienne, et retournèrent chez eux. Ils vendirent huit cents Corcyréens de condition servile, et gardèrent prisonniers deux cent cinquante citoyens, dont ils eurent grand soin, dans l’espérance que, rentrés dans leur patrie, ils pourraient la leur soumettre ; car la plupart étaient des personnages puissans, et des premiers de la ville. Ce fut ainsi que, dans cette guerre avec les Corinthiens, Corcyre évita sa ruine. Les vaisseaux des Athéniens se retirèrent.

Chap. 56. Les Athéniens avaient, en temps de paix, combattu avec les Corcyréens contre Corinthe : ce fut la première cause de la guerre entre Athènes et Corinthe. Mais bientôt s’élevèrent entre les Athéniens et les Péloponnésiens des différens qui amenèrent la rupture.

Les Corinthiens travaillaient à se venger : les Athéniens, qui ne doutaient pas de leur haine, ordonnèrent aux Potidéates, qui habitent et dominent

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