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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/19

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La défaite des Perses irrita Darius, et l’on n’ignorait pas en Grèce les préparatifs qu’il faisait pour une seconde expédition, lorsque la mort vint le surprendre. Xerxès, qui lui succéda, résolut de suivre les projets de son père, et dix ans après la bataille de Marathon, il entra dans la Grèce avec une armée qui s’élevait à plusieurs millions d’hommes, si l’on s’en rapporte à Hérodote, le plus ancien des historiens.

Athènes et Lacédémone résolurent de former une ligue assez puissante pour s’opposer à ce nouvel essaim de barbares. Une diète fut convoquée à l’isthme de Corinthe, et l’on en fit partir des députés, qui coururent de ville en ville afin de les entraîner dans la confédération.

Pendant qu’obtenait conseil sur la manière de conduire cette guerre, Xerxès surprit des espions. Au lieu de les punir, il les fit promener dans son camp et les renvoya en les chargeant de donner chez eux un détail exact de ce qu’ils avaient vu. C’est un moyen souvent employé avec succès à la guerre, où l’on doit toujours utiliser un espion et rarement le faire périr. Dans sa situation, il faut même avouer que Xerxès ne pouvait rien faire de mieux que d’user avec les Grecs d’une pareille politique, s’il n’espérait pas gagner ceux qui s’étaient introduits dans son camp.

Cette conduite sage forme un contraste bien frappant avec les folies qu’on a débitées sur ce prince, qui, dit-on, fit donner des coups de fouet à la mer, parce qu’un pont de bateaux sur lequel ses troupes devaient passer, avait été rompu par la tempête. Les historiens qui se plaise à rapporter ces vieilles sornettes et souvent à les amplifier, ajoutent, comme complément de la démence de Xerxès, qu’il ordonna de percer le mont Athos afin d’ouvrir un passage à sa flotte.

Mais la flotte des Perses avait éprouvé, quelque temps auparavant, combien il était dangereux de doubler cette montagne qui se prolonge dans une presqu’île, et n’est attachée au continent que par un isthme d’une demi-lieue de large. La prudence voulait, ou que Xerxès transportât sa flotte à force de bras par dessus l’isthme, ou qu’il fît passer un canal à travers le mont Athos. Celui qu’on creusa pouvait recevoir de front deux galères ; il n’avait rien dans ce projet qui ne fût digne d’un monarque puissant.

Ses ambassadeurs avaient été massacrés à Lacédémone. Deux Spartiates apprennent que les Dieux, irrités de ce meurtre, rejettent les sacrifices des Lacédémoniens : ils croient se dévouer pour le salut de leur patrie, se présentent devant Xerxès, et sans craindre de l’irriter davantage, refusent de se prosterner, suivant la coutume des Orientaux. Le monarque, étonné d’abord de ce manque de respect, leur fit cette réponse mémorable : « Allez dire à Lacédémone que si cette ville est capable de violer le droit des gens, Xerxès ne suit pas un pareil exemple ; jamais il n’expiera en vous ôtant la vie le crime dont elle s’est souillée. »

Ordinairement le plus grand obstacle qu’on éprouve à faire mouvoir des armées nombreuses provient de la difficulté de les approvisionner. Il n’est pas une personne raisonnable qui puisse croire que Xerxès traînât avec lui plusieurs millions d’hommes à la conquête de la Grèce ; mais en acceptant la donnée des auteurs les plus modestes, on peut demander quel est le général qui de nos jours, oserait prendre sur lui la responsabilité d’une administration de dix-huit cent mille combattans ?

Les historiens n’ont pas manqué de dire que cette multitude de barbares ravageait toutes les contrées pour vivre ; comme si le pillage ne se voyait pas