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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/202

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THUCYDIDE, LIV. III.

six vers l’autre. Ils sont bientôt suivis d’autres psiles, armés seulement de javelots : pour leur rendre la marche plus facile, d’autres, derrière eux, portaient leurs boucliers, qu’ils leur remettraient lorsqu’ils joindraient l’ennemi. Un assez grand nombre était déjà monté. Les gardes des tours prennent l’alarme ; car un Platéen, en s’accrochant à un créneau, en avait détaché une brique. Au bruit qu’elle fit en tombant, les gardes jettent leur cri. La troupe de l’intérieur s’élance sur la terrasse du teichos, indécise sur le vrai point d’attaque, que lui dérobent la nuit, le vent et la pluie ; tandis que, de leur côté, les Platéens restés dans la ville sortent, et, pour détourner l’attention, font une fausse attaque du côté opposé à celui qu’avaient escaladé leurs compagnons. Les soldats de cette troupe, surpris, demeurèrent immobiles, incertains de ce qui est arrivé : nul n’ose quitter le poste confié à sa défense.

En même temps que les trois cents hommes, troupe d’élite de leur armée, campés hors de la circonvallation et chargés de donner du secours au besoin, se portent [mais sans entrer encore, car le fossé est pour eux aussi un obstacle] où les appelle le cri d’alarme, des torches agitées [signal d’attaque] sont levées vers Thèbes [voisine de Platée] : de Platée on en fait autant. Les Platéens les avaient préparées pour que les signaux se confondissent, et que les Thébains, soupçonnant tout autre chose que ce qui était en effet, ne vinssent pas avant que les leurs fussent sauvés et bien en sûreté.

Chap. 23. Cependant les Platéens montés les premiers s’étaient emparés des deux tours après avoir égorgé les sentinelles. Ceux qui les suivaient se tenaient au passage des tours et les gardaient pour empêcher qu’on ne les traversât et qu’on ne marchât contre eux. Du niveau de la plate-forme ils appliquaient des échelles aux tours, sur le sommet desquelles ils faisaient monter des hommes qui écartaient à coups de traits ceux qui avançaient, soit d’en haut [sur la terrasse], soit d’en bas [au pied des murs], tandis que le gros des leurs, non encore monté, appliquant force échelles à-la-fois, et renversant les créneaux, montait, traversait la courtine, et descendait le mur [extérieur].

À mesure qu’ils avaient effectué la descente, ils se formaient sur la berge du fossé [extérieur] ; et de là, à coup de flèches et de dards, ils repoussaient ceux qui, bordant le teichos, voulaient s’opposer au passage du fossé. Les Platéens qui s’étaient postés sur les tours, descendant les derniers, traversaient avec peine la courtine et arrivaient difficilement au fossé ; car là, ils avaient à redouter les trois cents, qui tenaient des flambeaux à la main. Du sein de l’obscurité, les Platéens voyaient mieux. Rangés sur le bord du fossé, ils lançaient des flèches et des dards sur les parties découvertes de l’ennemi, tandis qu’eux-mêmes, dans les ténèbres, étaient moins aisément aperçus des Péloponnésiens, qu’aveuglaient les flambeaux. Ainsi même les Platéens descendus les derniers passèrent le fossé, mais non sans peine, et toujours combattant ; car ils ne trouvèrent pas dans le fossé une glace solide sur laquelle ils pussent marcher ; elle était fondante, comme par un vent plus d’est que de nord. D’ailleurs la neige tombée par un tel vent avait donné une quantité d’eau qu’ils eurent de la peine à surmonter et à traverser. Le mauvais temps et les ténèbres avaient, plus que tout, favorisé leur évasion.

Chap. 24. À la sortie du fossé, les Platéens, rassemblés, prirent le chemin