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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/201

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THUCYDIDE, LIV. III.

Chap. 20. Le même hiver, les Platéens, toujours assiégés par les Péloponnésiens et les Béotiens, tourmentés par une disette qui allait tous les jours croissant, sans espoir de secours du côté d’Athènes, et ne voyant d’ailleurs aucun moyen de salut, résolurent d’abord, eux et les Athéniens assiégés avec eux, de sortir tous furtivement de la place, et ensuite de franchir de vive force, s’il était possible, les lignes ennemies, guidés dans cette tentative par le devin Théénète, fils de Timidès, et par l’un des généraux, Eupolpidès, fils de Daïmaque.

Mais bientôt moitié d’entre eux abandonnèrent l’entreprise, qu’ils jugeaient trop périlleuse. Deux cent vingt seulement persistèrent avec courage dans le projet d’invasion, qu’ils exécutèrent ainsi.

Ils firent des échelles de la hauteur de la circonvallation, hauteur qu’ils évaluèrent par le nombre des rangs de briques contenus dans la partie du mur qui les regardait et qui n’était pas enduite. Plusieurs en même temps les comptaient : quelques-uns pouvaient se tromper ; le plus grand nombre devait rencontrer juste, comptant plusieurs fois, et d’ailleurs étant peu éloignés de la partie du teichos [circonvallation] où ils voulaient appliquer les échelles, et qu’ils voyaient facilement. Par l’épaisseur des briques et le nombre d’assises, ils jugèrent donc de la hauteur qu’il convenait de donner aux échelles.

Chap. 21. Or le teichos des Péloponnésiens était tel dans sa construction. Il présentait deux fronts ; l’un du côté de Platée, l’autre du côté de la campagne, pour le cas où, d’Athènes, on viendrait au secours de Platée. Les deux lignes, distantes l’une de l’autre de seize pieds, étaient réunies par des terrasses. Cet intervalle de seize pieds avait été distribué, pour la troupe stationnaire, en logemens contigus, de manière que toute la masse ne présentait extérieurement qu’un seul gros mur crénelé des deux côtés. De dix en dix créneaux, il y avait de grandes tours, d’une largeur égale à l’épaisseur de ce gros mur, dont elles joignaient ainsi les deux faces, de sorte qu’il n’y avait point de passage en dehors des tours, et qu’il fallait les traverser par le milieu [pour aller d’une courtine à l’autre]. La nuit, lorsqu’il venait à faire mauvais temps, les soldats abandonnaient les créneaux des courtines et faisaient la garde de dedans les tours, qui étaient peu distantes les unes des autres, et couvertes au sommet.

Tel était le teichos qui enfermait Platée.

Chap. 22. Les Platéens donc, ayant fait leurs préparatifs, saisissent l’occasion d’une nuit orageuse et sans lune, et sortent de la ville. Guidés par les chefs mêmes de l’entreprise, ils traversent d’abord le fossé qui les environnait, et arrivent au teichos des ennemis, sans être aperçus des sentinelles, qui, au milieu d’épaisses ténèbres, ne voyaient pas devant elles, et n’entendaient rien, parce que les sifflemens du vent couvraient le bruit de la marche.

Ajoutez à cela que les Platéens s’avançaient éloignés les uns des autres, pour n’être point trahis par le bruit des armes s’entrechoquant ; ils n’en avaient que de légères, et ne portaient de chaussure qu’au pied gauche, afin de pouvoir assurer leurs pas dans la boue.

Ceux qui portaient des échelles approchent donc des créneaux, qu’ils savaient n’être pas gardés, et y appliquent les échelles. Aussitôt montèrent douze psiles, armés chacun d’un poignard et couverts d’une cuirasse. Leur chef, Amméas, était monté le premier. Ces douze hommes se partagent et se dirigent, six vers l’une des deux tours,