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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/206

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THUCYDIDE, LIV. III.

reux y fut rentré, on le saisit, et on le tua à coup de flèches. Pachès rendit Notium aux Colophoniens, en excluant ceux du partie des Mèdes : mais dans la suite les Athéniens y envoyèrent une colonie qui se gouverna suivant leurs lois, en réunissant des différentes villes tout ce qui s’y trouvait de Colophoniens.

Chap. 35. Pachès, arrivé à Mitylène, soumit Pyrrha et Éresse ; prit le Lacédémonien Saléthus, caché dans la ville ; le fit partir pour Athènes avec les Mityléniens qu’il avait déposés à Ténédos, et tous ceux qu’il regardait comme les auteurs de la défection ; renvoya la plus grande partie de l’armée ; resta lui-même avec les troupes qu’il se réservait, et mit dans Mitylène et dans l’île de Lesbos l’ordre qu’il jugea nécessaire.

Chap. 36. À l’arrivée des Mityléniens et de Saléthus, les Athéniens mirent ce dernier à mort, malgré toutes ses offres ; entre autres, celle d’éloigner de Platée les Lacédémoniens, qui la tenaient encore assiégée. Ils délibérèrent ensuite sur le traitement qu’ils feraient subir aux autres. N’écoutant d’abord que leur ressentiment, ils résolurent de faire périr et ceux qu’ils avaient entre les mains, et tous les Mityléniens en âge d’homme, et de réduire en servitude les enfans et les femmes. Ils leur reprochaient une défection d’autant plus coupable qu’ils n’avaient point été assujettis comme les autres alliés ; ils insistaient, en outre, sur l’audace de la flotte péloponnésienne, qui s’était approchée, non sans danger, des côtes d’Ionie, ce qui prouvait que le soulèvement n’était pas la suite d’une courte délibération. Une trirème transmit la résolution à Pachès, avec l’ordre de l’exécuter sans délai. Mais dès le lendemain les Athéniens se repentirent, en considérant combien il était atroce d’exterminer une population tout entière de peur de laisser impunis les auteurs de la défection.

Les députés mityléniens qui se trouvaient à Athènes, et ceux des Athéniens qui les favorisaient, ne s’aperçurent pas plutôt de la révolution opérée dans les esprits, qu’ils travaillèrent auprès des hommes en place à faire reprendre la délibération. Ceux-ci se laissèrent aisément persuader : ils n’ignoraient pas que le plus grand nombre des citoyens désirait qu’on revînt sur cette affaire. L’assemblée fut aussitôt formée : il s’ouvrit des opinions différentes. Celui qui, la première fois, avait fait passer le décret de mort, Cléon, fils de Cléénète, toujours le plus violent des citoyens, et l’homme qui avait alors le plus d’ascendant sur le peuple, se présenta de nouveau et parla ainsi :

Chap. 37. « J’ai déjà reconnu bien des fois, et en d’autres circonstances, qu’un état démocratique ne peut pas, hors de ses limites, exercer l’empire. Vos variations dans l’affaire des Mityléniens me confirment dans mon opinion. Vivant entre vous avec franchise et dans une parfaite sécurité, vous conservez le même caractère avec vos alliés, ne songeant pas que les fautes où vous entraînent et une imprudente clémence, et de perfides insinuations, vous compromettent sans inspirer de reconnaissance. Vous ne considérez dons pas que votre domination est un pouvoir usurpé sur des hommes libres ; que, de plus, ils conspirent contre ce pouvoir ; que s’ils plient sous votre autorité, vous le devez, non à des ménagemens qui vous deviennent nuisibles, mais à l’ascendant de votre puissance, plutôt qu’à leur affection. Le plus grand mal, c’est que nos décrets n’aient rien de fixe ; que nous perdions de vue qu’un état se soutient mieux avec des lois vicieuses, mais invariables, qu’avec de bonnes lois qui