Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
233
THUCYDIDE, LIV. III.

viron trois cents Locriens, accourus contre eux avec Proxène, fils de Capaton. Après les avoir désarmés, ils quittèrent la côte.

Chap. 104. Le même hiver, les Athéniens, pour obéir à un oracle, purifièrent Délos. Auparavant, le tyran Pisistrate l’avait déjà purifiée, mais seulement dans la partie de l’île qu’on peut apercevoir de l’hiéron. À l’époque dont je parle, on la purifia tout entière, de la manière suivante : on enleva tous les cercueils qui s’y trouvaient, et il fut ordonné qu’à l’avenir il ne mourrait ni ne naîtrait personne dans l’île, mais qu’on transporterait à Rhénie les mourans et les femmes proches de leur terme. Rhénie est à si peu de distance de Délos, que Polycrate, tyran de Samos, qui eut pendant quelque temps une puissante marine, et qui dominait sur les autres îles, s’étant emparé de Rhénie, la consacra à Apollon, et l’attacha à Délos par une chaîne.

Ce fut après cette purification que les Athéniens célébrèrent, pour la première fois, les jeux déliens, qui se renouvellent tous les cinq ans. Il y avait à Délos, dans l’antiquité, un grand concours d’Ioniens et d’habitans des îles voisines ; ils y venaient religieusement avec leurs femmes et leurs enfans, comme à présent les Ioniens vont aux fêtes d’Artémis l’Éphésienne ; des jeux de musique et de gymnastique y étaient célébrés, et les villes y envoyaient des chœurs. C’est ce que nous apprend surtout Homère, en s’exprimant ainsi dans son hymne à Apollon : « Mais, ô Phébus, tu chéris surtout Délos, où se rassemblent, avec leurs enfans et leurs vertueuses épouses, les Ioniens vêtus de robes traînantes. Ils te sont agréables, lorsqu’au milieu des jeux de musique, de danse et de pugilat, ils invoquent ton nom et disputent le prix. »

Qu’il y eût dans ces fêtes des combats et qu’on y disputât des prix, c’est ce que témoigne un autre passage du même hymne. Le poète y célèbre les chœurs exécutés par les femmes de Délos, et termine leur éloge par ce morceau, dans lequel il fait mention de lui-même : « Soyez-nous propices, Apollon et Diane ; et vous, vierges de Délos, livrez-vous à la joie ; et quand un étranger, après de longues courses, abordera dans votre île et vous demandera : Quel est, de tous les chantres qui fréquentent ces lieux, celui que vous trouvez le plus digne de plaire, et dont les chants vous charment le plus ? répondez toutes unanimement, avec bienveillance : C’est un aveugle qui demeure dans l’île escarpée de Chio. »

Voilà ce que dit Homère, et ce qui prouve qu’il y eut autrefois un grand concours et des fêtes à Délos. Dans la suite, les insulaires et les Athéniens y envoyèrent des chœurs avec des offrandes sacrées ; mais il est probable que le malheur des temps fit cesser les jeux, jusqu’à l’époque dont nous parlons, où les Athéniens les rétablirent et instituèrent des courses de chevaux, spectacle dont on ne jouissait pas auparavant.

Chap. 105. Le même hiver, les Ampraciotes, suivant la promesse qu’ils avaient faite à Euryloque en retenant son armée, marchèrent, au nombre de trois mille hoplites, contre Argos d’Amphilochie. Ils entrèrent dans l’Argie et prirent Olpes, place forte, située sur une hauteur au bord de la mer, lieu que les Acarnanes avaient fortifié et dont ils avaient fait le siége commun de leurs tribunaux. Elle est à peu près à vingt-cinq stades d’Argos, ville maritime. Les Acarnanes se partagèrent : les uns portèrent du secours à Argos ; les autres allèrent dans un endroit de l’Amphilochie qu’on appelle Crenœ, pour obser-