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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/253

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THUCYDIDE, LIV. IV.

Démosthène les rangea par pelotons de deux cents hommes, plus ou moins, et leur fit occuper les éminences : disposition qui plaçait les Lacédémoniens dans une situation désespérée. Environnés de toutes parts, à quelle division faire face, et comment n’être pas sans cesse accablés par le nombre ! S’ils attaquaient le corps qu’ils avaient en tête, celui qu’ils avaient en queue ferait pleuvoir sur eux une grêle de traits ; s’ils marchaient contre les troupes qui étaient sur leurs flancs, ils se trouveraient également enfermés entre les deux ailes. De plus, quelque côté qu’ils choisissent, les troupes légères de Démosthène, toujours derrière eux, les accableraient de flèches, de javelots, de pierres, de tout ce que lance au loin la fronde : combattants sans relâche et toujours de loin, elles accableraient, sans crainte d’être poursuivies ; car elles triomphaient encore en fuyant, et lorsqu’on fuyait devant elles, elles poursuivaient avec acharnement. Tel était le plan que Démosthène avait arrêté d’avance pour l’attaque de l’île, et qu’il exécuta dans l’action.

Chap. 33. Épitadas et sa troupe, qui formait la partie la plus considérable de la garnison, voyant la première garde massacrée, et l’ennemi qui arrivait droit à eux, se rangèrent en bataille : voulant engager l’action, ils marchaient droit aux hoplites de l’ennemi, qu’ils avaient en face, en même temps qu’ils avaient ses psiles sur les flancs et en queue. Mais ils ne purent se mesurer avec les hoplites ni mettre à profit leur supériorité reconnue dans les combats de pied ferme. En effet, pressés des deux côtés par les traits des psiles, ils suspendaient leur marche, et s’arrêtaient [gardant leur ordre de bataille, sans courir sur ces ennemis qui les harcelaient]. Chaque fois que ceux-ci venaient les attaquer de plus près, ils étaient à l’instant repoussés ; puis, après s’être éloignés par une fuite rapide, ils se retournaient et venaient assaillir de nouveau. Légèrement armés, il leur était facile de fuir, sans crainte d’être atteints, à cause de la difficulté des lieux et de l’âpreté d’un sol inhabité jusqu’alors, où les Lacédémoniens, avec leur pesante armure, eussent tenté vainement de les poursuivre.

Chap. 34. Quelque temps se passa ainsi de part et d’autre en escarmouches. Les Lacédémoniens n’avaient plus la force de se porter avec la même vigueur sur tous les points. Les psiles athéniens s’aperçoivent de l’épuisement de l’ennemi. Cette vue leur inspirant plus d’audace, se regardant eux-mêmes comme très nombreux, accoutumés d’ailleurs à ne plus voir dans leurs adversaires des hommes redoutables, ils se rappellent qu’ils n’ont pas autant souffert qu’ils s’y attendaient au moment de la descente, où tout leur courage était subjugué par l’idée qu’ils marchaient contre des Lacédémoniens. Ils en viennent enfin jusqu’à mépriser leur ennemi, poussent un cri, et soudain se précipitent sur lui tous ensemble, et l’accablent de pierres, de flèches, de traits, de toute arme que chacun trouve sous sa main. Ces cris, cette attaque impétueuse, étonnent des guerriers peu accoutumés à ce genre de combat. Les cendres de la forêt nouvellement incendiée, s’élevant dans l’air, qu’obscurcissait encore une grêle de flèches et de traits, leur permettaient à peine de voir ce qui était devant eux. Leur situation devint terrible alors : leurs cuirasses n’étaient pas assez fortes pour amortir le coup des lances qui les atteignaient, et dont plusieurs se brisaient, laissant le fer enfoncé dans les armures. Ils se trouvaient dans l’impossibilité d’agir : aveuglés par la poussière, assourdis par les clameurs ennemies qui les empêchaient d’entendre