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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/270

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THUCYDIDE, LIV. IV.

fleuve Apidanus : de là il passa à Phacium, d’où il parvint à la Pérébie. Là, ses guides thessaliens le quittèrent. Les Pérébiens, soumis à la Thessalie, le conduisirent à Dium, place de la domination de Perdiccas, située au pied de l’Olympe, montagne de la Macédoine, du côté qui regarde la Thessalie.

Chap. 79. Ainsi, par sa diligence, Brasidas parvint à traverser la Thessalie avant que personne se mît en mesure de l’arrêter. Il joignit Perdiccas, et passa dans la Chalcidique. Son armée avait été mandée du Péloponnèse par Perdiccas et par les Thraces du littoral qui s’étaient détachés d’Athènes, et qu’alarmait la prospérité croissante de cette république. Les Chalcidiens, et les peuples des villes voisines, sans avoir encore secoué le joug d’Athènes, persuadés qu’ils seraient les premiers qu’elle viendrait attaquer, avaient eux-mêmes, sous main, sollicité ce secours. Perdiccas n’était pas ouvertement ennemi d’Athènes ; mais ses vieux différends avec les Athéniens lui inspiraient des craintes ; surtout il avait dessein de subjuguer Arrhibée, roi des Lyncestes. Les pénibles circonstances où se trouvait Lacédémone lui firent obtenir plus aisément les secours qu’il désirait.

Chap. 80. En effet, comme les Athéniens désolaient le Péloponnèse, et surtout le territoire de la Laconie, les Lacédémoniens espéraient opérer une diversion, si, à leur tour, ils parvenaient à les inquiéter, en envoyant une armée à des alliés, qui d’ailleurs la nourriraient, et qui n’invoquaient l’appui de Sparte que pour se détacher de l’alliance d’Athènes. Les Lacédémoniens n’étaient pas fâchés non plus d’avoir un prétexte de faire partir un certain nombre d’Hilotes. Depuis la prise de Pylos, ils craignaient de leur part quelque révolte. Toujours un de leurs premiers soins avait été de se tenir en garde contre les Hilotes ; et voici la mesure que leur avait suggérée la crainte de cette population jeune et nombreuse : un jour ils leur ordonnèrent de faire entre eux un choix de ceux qu’ils regardaient comme les plus braves, promettant que ceux-là seraient affranchis. En présentant ce piége, ils jugeaient que ceux qui se croiraient les plus dignes, devaient être, à raison de leur fierté, les plus entreprenans. Deux mille obtinrent cette funeste distinction, se promenèrent dans les hiérons, la tête ceinte de couronnes, comme ayant obtenu la liberté ; mais peu après ils disparurent, sans qu’on ait même soupçonné quel genre de mort on leur avait fait subir. Dans ces circonstances, Sparte s’empressa d’en envoyer sept cents à titre d’hoplites, sous les ordres de Brasidas. Ce général leva le reste de son armée dans le Péloponnèse. Il avait montré lui-même un grand désir d’être chargé de cette expédition.

Chap. 81. Les Chalcidiens avaient aussi désiré ce général, que Sparte estimait le plus capable, et qui, depuis son départ, ne démentit point sa haute renommée. Dès son début, il montra dans sa conduite envers les villes un tel esprit de justice et de modération, que plusieurs se déclarèrent pour lui, et que d’autres lui furent livrées par trahison. Au moyen de ces acquisitions, si les Lacédémoniens voulaient un jour en venir à un accommodement, qui, en effet, eut lieu, ils auraient en même temps des villes à rendre et à réclamer ; ils y gagnaient d’ailleurs l’avantage de transporter le théâtre de la guerre loin du Péloponnèse. Dans la guerre qui suivit celle de Sicile, la vertu, la prudence de Brasidas, ces qualités que les uns connaissaient par expérience et les autres par la renommée, contribuèrent surtout à inspirer aux alliés d’Athènes de l’incli-