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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/400

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THUCYDIDE, LIV. VII.

que vous avez si souvent vaincus, et pour ces Siciliens dont aucun n’osa tenir devant vous tant que votre marine demeura florissante, défendez-vous contre eux, et montrez que, malgré votre affaiblissement et vos désastres, votre habileté l’emporte encore sur la force et la fortune de vos ennemis.

Chap. 64. » Et vous, Athéniens, je vous rappelle encore que vous n’avez laissé ni dans vos chantiers une flotte semblable à celle-ci, ni derrière vous une jeunesse guerrière qui vous ressemble. S’il vous arrive autre chose que d’être victorieux, vos ennemis de Sicile se porteront aussitôt contre votre patrie, et les citoyens que nous y avons laissés se verront dans l’impuissance de résister aux ennemis qui déjà les environnent, et à ceux qui viendront de ces contrées dans l’instant même. Vous serez sujets de Syracuses, vous qui savez dans quel dessein vous êtes venus ici ; et vos compatriotes obéiront à Lacédémone. Si jamais vous avez montré un grand courage, ayez celui de prévenir en un seul combat ce double malheur, et songez, tous ensemble et chacun en particulier, qu’avec vous, sur ces vaisseaux que vous allez monter, seront les forces de terre et de mer de votre patrie, la république elle-même, et le grand nom d’Athènes. Ceux qui l’emportent sur les autres en habileté ou en valeur n’auront jamais une plus belle occasion de le faire connaître, et dans leur intérêt personnel, et pour le salut de tous. »

Chap. 65. Nicias, après avoir ainsi exhorté les troupes, leur ordonna de monter sur la flotte. Gylippe et les Syracusains, à la vue de tous ces apprêts, jugeaient aisément qu’ils allaient être attaqués. On les prévint aussi que l’ennemi se servirait de crampons : ils travaillèrent à parer à cet inconvénient comme à tous les autres. Ils garnirent d’une grande quantité de peaux les proues et les parties supérieures des navires, afin que les crampons, venant à glisser, ne trouvassent point de prise. Quand tout fut prêt, les généraux et Gylippe exhortèrent leurs soldats en ces termes :

Chap. 66. « Nous avons fait de grandes choses ; il s’agit de combattre pour signaler de nouveau notre valeur : c’est, je crois, Syracusains et alliés, ce que la plupart d’entre vous n’ignorent pas ; autrement verrait-on en vous tant d’ardeur ? Si quelqu’un de vous cependant n’est pas encore assez instruit, nous allons l’éclairer. Ces Athéniens, arrivés ici pour asservir la Sicile, et soumettre ensuite, s’ils eussent réussi, le Péloponnèse et l’Hellade tout entière, ces Hellènes les plus puissans qu’aient vus les siècles passés et le siècle présent, vous les avez, vous les premiers, vaincus sur cet élément qui leur a tout soumis, et, j’en ai l’assurance, vous allez les vaincre encore. Quand on se voit une fois arrêté dans une partie où l’on a la prétention d’exceller, il reste une confiance en soi même bien plus faible que si l’on avait eu d’abord moins d’orgueil. Trompé dans les espérances que donnait la présomption, on cède, et l’on n’a plus même la force qu’on pouvait avoir. C’est là sans doute ce qu’éprouvent aujourd’hui les Athéniens.

Chap. 67. » Nous, au contraire, ce que nous avions auparavant, cette bravoure qui, avant même qu’elle fut secondée par l’expérience, nous a fait tout oser, est maintenant plus assurée ; et, l’opinion que nous sommes les plus forts, puisque nous avons vaincu des adversaires eux-mêmes si puissans, se joignant à notre valeur naturelle, nos espérances, par ces deux raisons, sont doublées ; et d’ordinaire beaucoup d’espoir donne, au moment d’agir, beaucoup de résolution. Ce que nous avons à imiter en pré-