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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/399

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THUCYDIDE, LIV. VII.

dant résolues à tout risquer au plus tôt, parce qu’elles manquaient de vivres, les convoqua, tâcha, pour la première fois, de les encourager, et leur parla en ces termes :

Chap. 61. « Soldats athéniens et alliés, dans le combat qui va se livrer, il ne s’agit de rien moins, et pour les ennemis, et pour vous tous en commun et en particulier, que du salut de la patrie. Ce n’est qu’en remportant une victoire navale que nous pouvons espérer de revoir la ville qui nous a vus naître. Ne vous découragez pas ; n’ayez point la faiblesse des hommes inexpérimentés, à qui l’imagination ne présage plus qu’un effrayant avenir, une continuité de revers. Athéniens, qui avez acquis l’expérience de bien des guerres, et vous, alliés, tant de fois associés à nos périls, n’oubliez pas que la guerre amène des événemens inattendus ; considérant que la fortune peut aussi nous devenir favorable, disposez-vous à réparer vos derniers malheurs avec une confiance qui réponde au grand nombre de combattans que vous avez sous les yeux.

Chap. 62. » De concert avec les pilotes, nous avons examiné, disposé, autant que le permettent les circonstances, tout ce qui, dans l’espace étroit du port, peut tourner à notre avantage, et contre la multitude des vaisseaux ennemis, et contre ces troupes dont on a chargé les ponts, et qui précédemment nous ont tant incommodés. Nous allons faire monter sur les nôtres quantité d’archers, des gens de trait, toute cette multitude que nous n’aurions garde d’employer dans un combat en-haute mer, où la pesanteur des vaisseaux nuirait à l’habileté de la manœuvre ; mais ici elle nous servira, parce que, du haut de notre flotte, c’est un combat de terre que nous sommes contraints de livrer. Rien ne nous a plus nui que les forts éperons dont les ennemis ont armé leurs vaisseaux : nous avons imaginé d’adapter aux nôtres ce qui peut les en défendre ; des crampons de fer qui, si les soldats font leur devoir, ne laisseront pas aux bâtimens qui nous auront une fois approchés la liberté de reculer pour revenir à la charge. Réduits à changer le combat naval en une action de terre ferme, ne reculons pas, ne laissons pas reculer ceux qui combattront contre nous ; tel est certainement notre intérêt, la côte, à l’exception seulement de l’espace qu’occupe notre camp, ne nous offrant partout qu’une terre ennemie.

Chap. 63. » Voilà ce dont il faut vous ressouvenir : il s’agit d’un combat opiniâtre, où l’on ne songera point à regagner la terre ; où, dès qu’une fois vous aurez attaqué un vaisseau, il ne faudra plus vous en détacher que vous n’ayez défait les guerriers qui en couvriront le tillac. Ici je ne m’adresse pas moins aux hoplites qu’aux équipages, puisque c’est surtout l’affaire de ceux qui vont combattre du haut des ponts. Il dépend encore de vous d’obtenir l’avantage par la valeur de votre infanterie. J’exhorte les matelots à ne pas trop se laisser abattre par le malheur ; je dis plus, je les en conjure, à présent qu’ils ont un meilleur pontage et plus de bâtimens. Et vous qui, réputés Athéniens sans l’être, étiez admirés dans l’Hellade, et pour la connaissance de notre langue, et pour l’heureuse imitation de nos manières ; vous qui participez à notre domination autant que nous-mêmes, et beaucoup plus encore, puisque vous êtes moins exposés aux insultes de nos ennemis, songez combien vous est précieuse la conservation de ce bonheur dont vous avez toujours joui. Libres comme nous, et seuls associés à notre empire, serait-il juste à vous d’en trahir aujourd’hui les intérêts ! Pleins de mépris pour ces Corinthiens