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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/415

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THUCYDIDE, LIV. VIII.

abandonner l’expédition par découragement : il représenta qu’on arriverait à Chio avant qu’il pût y parvenir aucune nouvelle de l’échec de la flotte : lui-même, abordant en Ionie et dépeignant la faiblesse d’Athènes et l’ardeur de Lacédémone, déciderait facilement les villes à se soulever, et paraîtrait plus que personne mériter de la confiance. Il dit en particulier à Endius qu’il serait glorieux pour lui de soustraire l’Ionie à l’alliance d’Athènes ; de procurer à Lacédémone celle du grand roi, et d’enlever ce succès à Agis, son ennemi : car Alcibiade était alors ennemi d’Agis. Il persuada Endius, partit avec les cinq vaisseaux que commandait Chalcidée, et fit le trajet en grande diligence.

Chap. 13. Vers le même temps revenaient de Sicile les seize vaisseaux du Péloponnèse que Gylippe avait amenés au secours des Syracusains, et à qui, sur les côtes de la Leucadie, les vingt-sept vaisseaux d’Athènes, commandés par Hippoclès, fils de Ménippe, avaient disputé leur retour dans l’Hellade. Je ne parle pas des autres vaisseaux de la flotte corinthienne, car tous, un seul excepté, échappés aux Athéniens, avaient abordé à Corinthe.

Chap. 14. Chalcidée et Alcibiade, craignant d’être découverts, faisaient prisonniers tous ceux qu’ils rencontraient sur leur route. Le premier point du continent qu’ils touchèrent fut Coryce [d’Ionie]. Après y avoir déposé les prisonniers, ils s’abouchèrent avec des habitans de Chio qui étaient d’intelligence avec eux, et dont l’avis fut qu’ils abordassent sans se faire annoncer. Ils apparaissent soudain. La surprise et l’effroi saisissent les esprits de la multitude : quant aux partisans de l’oligarchie, ils s’étaient arrangés de manière que le sénat se trouvât convoqué. Chalcidée et Alcibiade exposent que d’autres vaisseaux, en grand nombre, faisaient voile pour Chio, mais ne disent rien de la flotte bloquée au Piréum ; déterminent de nouveau ceux de Chio et l’Érythrée à se détacher d’Athènes, et partent ensuite avec trois vaisseaux pour Clazomènes, qu’ils soulèvent. Les Clazoméniens passèrent aussitôt sur le continent et fortifièrent Polichna, asile qu’ils se ménageaient dans le cas où il faudrait abandonner la petite île qu’ils habitaient. Les rebelles étaient tous occupés de fortifications et de préparatifs de guerre.

Chap. 15. Athènes reçoit bientôt les nouvelles de Chio. Les Athéniens se persuadent qu’un danger trop manifeste les menace ; que le reste des alliés ne tardera pas, quand une république de cette importance se révolte. Malgré le désir de ne pas toucher, de toute la guerre, aux mille talens mis en réserve, ils abrogent la peine [de mort] portée contre celui qui aborderait la question d’y toucher ou la mettrait aux voix ; décrètent la disponibilité de la somme, l’équipement d’une flotte considérable ; sur-le-champ même, l’envoi de huit des bâtimens de garde au Piréum, qui, sous les ordres de Strombichide, fils de Diotime, avaient quitté le blocus pour se mettre à la poursuite de ceux de Chalcidée, et qui, n’ayant pu les atteindre, étaient revenus à leurr poste ; enfin le prochain départ de douze autres vaisseaux qu’on détacherait du même blocus. Quant aux sept vaisseaux de Chio qui, unis à la flotte athénienne, tenaient assiégés au Périum ceux du Péloponnèse, on les ramena dans l’Attique ; on affranchit les esclaves qui les montaient et l’on mit aux fers les hommes libres. Des vaisseaux promptement appareillés avaient été envoyés au blocus pour y remplacer les vaisseaux partis de Chio, et l’on se disposait à en appareiller encore. L’ardeur était universelle : on