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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/429

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THUCYDIDE, LIV. VIII.

tôt Alcibiade écrivit contre Phrynicus aux principaux de Samos, leur apprenant ce que venait de faire ce général, et les priant de lui donner la mort. Phrynicus, troublé et sentant tout le danger où le mettait cette dénonciation, députe une seconde fois vers Astyochus. Il se plaignait de ce que le secret avait été mal gardé sur ces premières confidences, ajoutant qu’il était prêt à livrer aux Péloponnésiens, pour la mettre en pièces, toute l’armée qui était à Samos. Il entrait dans les détails, lui indiquant les moyens d’en venir à l’exécution contre une ville qui n’était pas murée, lui déclarant enfin que, se trouvant en danger pour l’amour des Lacédémoniens, on ne pouvait le blâmer de faire ce qu’il faisait, et même toute autre chose, plutôt que de périr victime de cruels ennemis. Astyochus communiqua le nouveau message à Alcibiade.

Chap. 51. Phrynicus, qui avait pressenti cette infidélité, et qui, sur cette affaire, attendait à tout moment une lettre d’Alcibiade, prend les devans, informe les soldats que les ennemis doivent venir surprendre Samos, profitant de ce que la place n’était pas murée et de ce que la flotte ne pouvait se loger tout entière dans le port ; que sa nouvelle est certaine, et qu’il faut, en diligence, fortifier Samos et se tenir sur ses gardes. En sa qualité de général, il était maître de faire prendre ces mesures : les soldats se mirent à l’ouvrage. Ainsi la place qui devait être murée, le fut avec plus de célérité.

Bientôt après arrivèrent les lettres d’Alcibiade : elles portaient que l’armée était trahie par Phrynicus, et que les ennemis allaient fondre sur elle. Mais Alcibiade ne parut pas digne de foi ; on supposa que, sachant d’avance ce qui se passait chez l’ennemi, il en jetait, par haine, la complicité sur Phrynicus : en sorte que loin de lui nuire, il le servit par ces dénonciations.

Chap. 52. Alcibiade, après cela, séduisait Tissapherne, et l’engageait à se rapprocher des Athéniens, lui qui craignait les Péloponnésiens, dont il voyait la flotte plus nombreuse que celle de leurs ennemis, et qui d’ailleurs ne demandait qu’à se laisser persuader par un moyen quelconque, surtout depuis qu’il avait connaissance des contestations des Péloponnésiens au sujet du traité conclu avec Théramène. En effet elles avaient eu lieu lorsqu’ils étaient encore à Rhode ; et ce qu’Alcibiade avait dit auparavant, que les Lacédémoniens voulaient affranchir toutes les villes, se trouva confirmé par Lichas, refusant d’admettre en principe que le roi dût rester maître des villes dont lui-même ou ses pères avaient eu la domination. Alcibiade donc, qui avait à lutter pour de grands intérêts, se livrait à Tissapherne, qu’il courtisait sans réserve.

Chap. 53. Cependant les députés envoyés de Samos avec Pisandre arrivent à Athènes. Admis dans l’assemblée du peuple, ils traitèrent bien des articles en substance, mais surtout appuyèrent fortement sur ce qu’il était au pouvoir des Athéniens, en rappelant Alcibiade et renonçant au gouvernement populaire, d’obtenir d’alliance du grand roi et de l’emporter sur les peuples du Péloponnèse. Bien des voix s’élevèrent en faveur de la démocratie : les ennemis d’Alcibiade s’écriaient que ce serait une indignité de souffrir qu’il rentrât après avoir violé toutes les lois ; les Eumolpides et les Céryces attestaient les mystères profanés, cause de son exil, et demandaient, au nom de ce qu’il y avait de plus sacré, qu’il ne revînt pas. Pisandre, ne se laissant intimider ni par les contradictions, ni par les plaintes, s’épuise en sophismes envers ses contra-