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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/445

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THUCYDIDE, LIV. VIII.

criens, tous deux peuples d’Italie et de chez les Sicules) se trouvaient déjà sur les côtes de la Laconie et se préparaient à cingler vers l’Eubée, sous les ordres du Spartiate Hégésandridas. Théramène prétendait que la destination de cette flotte était moins pour l’Eubée que pour ceux qui construisaient le mur de l’Éétionée, et que, si l’on ne se tenait pas sur ses gardes, on serait égorgé au moment où l’on s’y attendrait le moins. Ces accusations contre les oligarques avaient bien quelque chose de réel et n’étaient pas seulement une maligne déclamation. En effet les oligarques voulaient, en fondant l’oligarchie, commander aux Athéniens et aux alliés, ou du moins, étant maîtres des fortifications et des vaisseaux, vivre dans l’indépendance. Enfin, si ces ressources leur manquaient, ils voulaient ne pas être égorgés par la multitude quand elle recouvrerait l’autorité, s’accorder avec les ennemis, même en leur livrant la flotte et les fortifications, et avoir un gouvernement quelconque pourvu qu’ils fussent sûrs au moins de la vie.

Chap. 92. Aussi pressaient-ils les fortifications, en y ménageant de petites portes, des sentiers dérobés, des retraites qu’on pourrait offrir aux ennemis, voulant terminer avant que leurs adversaires pussent y mettre obstacle. Les propos dont ils étaient l’objet se tenaient d’abord en secret et entre peu de personnes : mais quand Phrynicus, au retour de sa députation de Lacédémone, à l’heure où l’agora est le plus fréquentée, eut été lâchement attaqué par un des hommes qui faisaient la ronde, et tué sur-le-champ presque au sortir du conseil ; quand un certain Argien, son complice, arrêté et mis à la torture par ordre des quatre cents, ne nomma personne qui eut ordonné le crime, et dit seulement que tout ce qu’il savait, c’était que bien des personnes s’assemblaient chez le commandant de la ronde et en d’autres maisons ; quand on vit cet événement n’avoir aucune suite, alors Théramène, Aristocrate et tous ceux qui pensaient de même, soit qu’ils fussent ou non du corps des quatre cents, agirent bien plus à découvert. Déjà les vaisseaux partis de la Laconie avaient tourné les côtes, pris terre à Épidaure, et infesté le territoire d’Égine. Théramène prétendait qu’il n’était pas possible que des vaisseaux qui auraient fait voile pour l’Eubée, fussent entrés dans le golfe où est Égine, pour se diriger ensuite sur cette île, et qu’ils eussent, en faisant une marche rétrograde, mis ensuite à l’ancre à Épidaure ; qu’on les avait donc mandés pour l’objet dont il ne cessait de se plaindre, et que le temps de rester dans l’inaction était passé. Enfin, après bien d’autres discours propres à semer la défiance et à exciter un soulèvement, on en vint aux effets. Aristocrate lui-même était commandant des compagnies d’hoplites qui travaillaient au mur de l’Éétionée dans le Pirée, et avait avec lui sa compagnie. Ces hoplites arrêtèrent le général Alexiclès, membre de l’oligarchie, fortement attaché au parti contraire à celui de Théramène, et le menèrent dans une maison où ils le retinrent prisonnier. Plusieurs les secondèrent, entre autres Hermon, commandant des rondes établies à Munychie : on ne s’en étonnera pas, puisque le corps des hoplites tenait à cette faction.

Les quatre cents siégeaient en ce moment au conseil. Dès qu’on leur rapporta ce qui venait de se passer, tous furent prêts à courir aux armes, excepté ceux à qui déplaisait l’état actuel. Ils menaçaient Théramène et tous ceux qui pensaient comme lui. Théramène, pour se justifier, leur dit qu’il était prêt à les