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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/510

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XÉNOPHON, LIV. III.

habitée par les Mèdes ; ses murs avaient vingt-cinq pieds d’épaisseur, et cent de hauteur ; son enceinte était de deux parasanges : les murailles étaient bâties de brique, mais elles étaient de pierre de taille depuis leurs fondemens jusqu’à la hauteur de vingt pieds. Lorsque les Perses enlevèrent aux Mèdes l’empire de l’Asie, le roi de Perse assiégea cette place et ne pouvait d’aucune manière s’en rendre maître ; mais le soleil ayant disparu, comme s’il se fût enveloppé d’un nuage, les assiégés en furent consternés, et laissèrent prendre la ville. À peu de distance de ses murs était une pyramide de pierre, haute de deux plèthres ; chaque côté de sa base avait un plèthre de longueur. Beaucoup de Barbares, qui avaient fui des villages voisins, s’y étaient retirés.

L’armée fit ensuite une marche de six parasanges, et arriva près d’une citadelle grande et abandonnée, et d’une ville qui la joignait. La ville se nommait Mespila : les Mèdes l’avaient jadis habitée. Sur un mur épais de cinquante pieds, qui, depuis ses fondemens jusqu’à cinquante pieds de haut, était construit d’une pierre de taille, incrustée de coquilles, s’élevait un nouveau mur de la même épaisseur et de cent pieds de haut, bâti de brique. Telle était l’enceinte de cette ville, qui avait six parasanges de circuit ; on dit que Médie, femme du roi des Mèdes, s’y réfugia lorsque leur empire fut envahi par les Perses. Le roi de Perse assiégea cette place et ne pouvait la prendre ni par force, ni par blocus. Jupiter frappa de terreur les habitans, et la ville se rendit.

L’armée fit ensuite une journée de quatre parasanges. Pendant la marche, Tissapherne parut avec sa propre cavalerie, les forces d’Orontas, gendre du roi, l’armée barbare de Cyrus, celle que le frère bâtard d’Artaxerxès avait amenée au secours de ce monarque, et d’autres renforts que le roi avait donnés au satrape, en sorte qu’il déploya un grand nombre de troupes. S’étant approché, il en rangea partie en bataille contre l’arrière-garde des Grecs, et en porta sur leurs flancs. Il n’osa pas cependant faire charger et courir le risque d’une affaire générale ; mais il ordonna à ses archers et à ses frondeurs de tirer. Les Rhodiens qu’on avait insérés ça et là, dans les rangs de l’infanterie, s’étant servis de leurs frondes, et les archers des Grecs ayant tiré des flèches à la manière des Scythes, aucun de leurs coups ne porta à faux ; car, vu la multitude des ennemis, quand on l’aurait voulu, on aurait eu peine à ne les point toucher. Tissapherne se retira légèrement hors de la portée du trait, et fit replier ses troupes. Le reste du jour, les Grecs continuèrent leur marche, et les Barbares les suivirent de loin ; mais ils n’osèrent renouveler ce genre d’escarmouche, car ni les flèches des Perses, ni celles de presque aucun archer ne portaient aussi loin que les frondes des Rhodiens. Les arcs des Perses sont fort grands ; toutes leurs flèches qu’on ramassait étaient utiles aux Crétois, qui continuèrent à s’en servir, et s’exerçaient à les décocher sous un angle élevé, afin qu’elles portassent très loin. On trouva, dans des villages, du plomb et des cordes de nerf dont on tira parti pour les frondes.

Ce même jour, les Grecs cantonnèrent dans les villages qu’ils trouvèrent, et les Barbares, à qui leur escarmouche avait mal réussi, se retirèrent. L’armée grecque séjourna un jour, et se fournit de vivres ; car ces villages regorgeaient de blé. Le lendemain, on marcha. Le pays était uni. Tissapherne suivit et harcela les Grecs ; ils reconnurent alors qu’un