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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/511

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XÉNOPHON, LIV. III.

bataillon carré est un mauvais ordre de marche quand on a l’ennemi sur ses talons, car lorsque les ailes du bataillon se rapprochent forcément, ou dans un chemin qui se rétrécit, ou dans des gorges de montagnes, ou au passage d’un pont, il faut que les soldats se resserrent. Marchant avec difficulté, ils s’écrasent, ils se mêlent, et l’on tire difficilement un bon parti d’hommes qui n’observent plus leurs rangs. Lorsque les ailes reprennent leurs distances, avant que les fantassins ainsi confondus se réforment, il se fait un vide au centre, et le soldat qui se voit séparé, perd courage s’il a l’ennemi sur les bras. Quand il fallait passer un pont, ou quelque autre défilé, tout le monde se hâtait ; c’était à qui serait le premier au-delà, et les ennemis avaient une belle occasion de charger. Les généraux le sentirent, et formèrent six lochos, chacun de cent hommes. Ils nommèrent des chefs à ces lochos, et sous eux des pentecontarques et des énomotarques. Dans la marche, lorsque les ailes se rapprochaient, ils faisaient halte, et restaient en arrière pour laisser passer le défilé, puis remarchaient en dehors des autres troupes pour reprendre leur hauteur. Lorsque les flancs du bataillon s’éloignaient, ce détachement remplissait le vide qui se formait au centre du front, par lochos, pentecostys ou énomoties, selon que l’espace était plus ou moins grand, et faisaient en sorte que le front présentât toujours une ligne pleine. Fallait-il passer un défilé plus étroit, ou un pont, il n’y avait pas de désordre ; mais les chefs faisaient marcher leurs lochos les uns après les autres, et s’il était besoin de se réformer quelque part en bataille, s’y rangeaient en un moment. L’armée fit ainsi quatre marches.

Le cinquième jour, pendant la marche, on aperçut un palais entouré de beaucoup de villages ; le chemin qui y conduisait passait à travers une suite de collines élevées, qui prenaient naissance d’une grande montagne, au pied de laquelle était un village. Les Grecs virent avec plaisir ce terrain montueux : leur joie paraissait fondée, l’ennemi qui les suivait ayant une nombreuse cavalerie. Lorsqu’au sortir de la plaine ils furent montés au sommet du premier tertre, ils redescendirent pour monter au second. Les Barbares surviennent. Leurs officiers, armés de fouets, les contraignent à nous accabler, de haut en bas, de traits jetés à la main, de pierres lancées avec leurs frondes, de flèches décochées de leurs arcs. Ils blessèrent ainsi beaucoup de Grecs, vainquirent les troupes légères, et les obligèrent de se réfugier au milieu des hoplites, en sorte que les Grecs ne purent faire usage ce jour-là de leurs archers et de leurs frondeurs, qui se tinrent aux équipages. L’infanterie grecque, incommodée de ces décharges, résolut de marcher aux Perses ; le poids de ses armes l’empêcha de regagner promptement le sommet de la colline, et l’ennemi se retira fort légèrement. Cette infanterie eut encore à souffrir pour rejoindre le corps d’armée. À la seconde colline, même manœuvre. À la troisième, les Grecs résolurent de ne plus détacher d’infanterie pesante ; mais ils ouvrirent le flanc droit du bataillon carré, et en firent sortir des armés à la légère, qui marchèrent vers la grande montagne. Ces troupes prirent le dessus de l’ennemi, qui n’osa plus inquiéter les Grecs lorsqu’ils redescendaient une colline ; car il craignait d’être coupé et enveloppé de deux côtés. On marcha ainsi le reste du jour. L’armée grecque suivit son chemin de colline en colline : les armés à la légère longèrent la montagne qui dominait. On arriva à des villages, et l’on constitua