Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/543

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
542
XÉNOPHON, LIV. V.

On passa le reste du jour dans cette position. Le lendemain, ayant fait un sacrifice, et les entrailles ayant donné des signes favorables, l’armée dîna ; elle se forma ensuite en colonnes par lochos. Les Barbares furent rangés sur le même ordre, et placés à l’aile gauche ; puis on marcha. Les archers étaient dans l’intervalle des lochos, leur premier rang un peu en arrière de celui de l’infanterie ; car, parmi les ennemis, il y en avait d’agiles à la course, qui se portaient rapidement en avant et lançaient des pierres. Les archers et les armés à la légère les repoussèrent ; le reste de l’armée marcha lentement et bien aligné, d’abord vers le lieu où les Grecs et leurs alliés avaient été battus la veille ; car l’ennemi s’y était rangé en bataille. Il attendit les armés à la légère et engagea le combat avec eux ; mais il prit la fuite dès que l’infanterie approcha. Les armés à la légère se mirent aussitôt à ses trousses, et montèrent, en le poursuivant, vers la métropole. L’infanterie pesante suivait en ordre de bataille. Quand on eut gravi jusqu’aux premières maisons de la ville, tous les Barbares se rallièrent et renouvelèrent le combat, soit en lançant aux Grecs des javelots, soit en les attaquant de près, tâchant de les repousser avec de grosses et de longues piques dont ils étaient armés, et qu’un homme avait peine à porter.

Les Grecs ne reculant point, mais s’avançant au contraire pour charger, les Barbares prirent la fuite, et dès lors tout ce qui était dans la ville l’abandonna. Le roi ne voulut point sortir d’une tour de bois construite sur le sommet de la montagne : c’est sa résidence ordinaire. Il y est entretenu aux frais de tout son peuple, et observe, de ce lieu élevé, ce qui pourrait menacer la ville ; il y fut consumé avec l’édifice qu’on brûla. Dans le premier poste qu’on avait forcé était une tour pareille ; des Barbares qui s’y étaient réfugiés, eurent la même obstination, et subirent le même sort. Les Grecs mirent la ville au pillage ; ils trouvèrent, dans les maisons, des amas de pains entassés depuis l’année précédente, suivant l’usage du pays, à ce que dirent les Mosynéciens ; il y avait aussi du blé nouveau en gerbes ; la plus grande partie de ce grain était de l’épeautre. Dans des cruches on trouva des tranches de dauphin salé ; d’autres vases étaient pleins de la graisse de ce poisson ; elle était employée par les Mosynéciens, aux mêmes usages que l’huile d’olive par les Grecs. Des planchers étaient couverts d’une grande quantité de châtaignes, dont la substance intérieure n’était séparée par aucune membrane ; on les faisait bouillir, et les habitans les mangeaient souvent ainsi en guise de pain. Il se trouva aussi du vin, qui, lorsqu’on le buvait pur, paraissait aigre à cause de sa rudesse ; mais si on le mêlait avec de l’eau, il acquérait du parfum et un goût agréable.

Les Grecs dînèrent et continuèrent ensuite leur marche, après avoir remis la place à leurs alliés. De toutes les villes occupées par les ennemis que l’armée trouva sur son chemin, les moins fortes furent abandonnées par leurs défenseurs, les autres se rendirent volontairement. Voici ce que c’était que la plupart de ces villes : elles étaient distantes entre elles d’environ quatre-vingts stades, les unes plus, les autres moins. En jetant des cris d’une place, les Barbares se faisaient entendre de l’autre, tant il y avait de montagnes et de vallons dans ce pays. Quand on fut arrivé à la partie habitée par les alliés des Grecs, ils firent remarquer que les enfans des gens riches, nourris de châtaignes bouillies, étaient gras, avaient la peau très délicate et très blanche, et qu’à mesurer