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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/579

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XÉNOPHON, LIV. VII.

rivé, et qu’un autre amiral remplaçait Anaxibius, ne tint pas grand compte de ce dernier. Il négocia directement avec Aristarque, et fit avec lui les mêmes conventions qu’il avait faites avec Anaxibius, relativement à l’armée qui avait suivi Cyrus.

Anaxibius alors envoya chercher Xénophon, lui ordonna de s’embarquer, d’aller au plus tôt, par quelque moyen que ce fût, joindre l’armée, de la contenir ensemble, d’y rappeler le plus qu’il pourrait des soldats dispersés, de marcher à Périnthe, et d’y faire monter les Grecs sur des vaisseaux pour passer en Asie. Il lui donne un navire à trente rames, une lettre, et envoie avec lui un homme chargé d’ordonner aux habitans de Périnthe de fournir des chevaux à Xénophon pour se rendre au camp en toute diligence. Ce général traverse la Propontide, et arrive à l’armée. Les soldats le revirent avec plaisir et le suivirent aussitôt avec zèle, dans l’espoir de quitter bientôt la Thrace pour repasser en Asie.

Seuthès de son côté ayant appris le retour de Xénophon, lui envoya par mer Médosade, pour le prier de lui amener l’armée, et lui fit faire des promesses par lesquelles il espérait le séduire. Xénophon répliqua que ce qu’on lui demandait était impossible, et Médosade retourna sur ses pas chargé de cette réponse. Quand les Grecs furent arrivés à Périnthe, Néon se détacha d’eux et campa séparément à la tête d’environ huit cents hommes. Tout le reste de l’armée demeura réuni et prit son camp sous les murs de Périnthe.

Xénophon chercha ensuite à se procurer des bâtimens pour faire traverser les troupes et pour débarquer au plus tôt en Asie. Sur ces entrefaites, Aristarque, gouverneur de Byzance, arriva de cette place avec deux galères. Pharnabaze l’avait gagné, et il défendit aux matelots de transporter l’armée. Il alla au camp, et ordonna pareillement aux soldats de ne point passer en Asie. Xénophon lui objecta qu’il en avait reçu l’ordre d’Anaxibius : « Il m’a envoyé ici chargé de cette mission. » Aristarque répondit : « Anaxibius n’est plus amiral, et tout ce pays est de mon gouvernement. Si je trouve quelqu’un de vous en mer, je coulerai bas son bâtiment. » Ayant dit ces mots, il retourna dans la ville. Le lendemain, il fit dire aux généraux et aux chefs de lochos de l’armée de le venir trouver. Ils étaient déjà près des murs, lorsque quelqu’un avertit Xénophon que s’il entrait, on l’arrêterait, qu’il recevrait peut-être sur le lieu même quelques mauvais traitement, ou qu’on le livrerait à Pharnabaze. Ayant reçu cet avis, il dit aux autres chefs de continuer leur marche, et prétendit avoir personnellement un sacrifice à faire. Il revint au camp, et sacrifia pour savoir si les dieux lui permettaient de tâcher d’engager l’armée à passer au service de Seuthès ; car il ne voyait pas qu’elle pût traverser sans danger la Propontide, Aristarque ayant des galères pour l’en empêcher. Il ne voulait pas non plus qu’elle allât s’enfermer dans la Chersonèse où elle aurait manqué de tout. D’ailleurs il aurait fallu obéir au gouverneur de cette presqu’île, et on n’y eût point trouvé de vivres.

Telles étaient les idées qui occupaient Xénophon. Les généraux et les chefs de lochos revinrent de chez Aristarque. Ils rapportèrent qu’il les avait renvoyés sans leur donner audience, et qu’il leur avait enjoint de revenir le soir ; ce qui parut dénoter encore plus clairement quelque embûche. Xénophon crut d’après les signes favorables qu’il avait trouvés dans les entrailles des victimes, que le parti le plus sûr pour lui et pour l’armée