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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/580

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XÉNOPHON, LIV. VII.

était de passer au service de Seuthès. Il prit avec lui Polycrate d’Athènes, chef de lochos, et pria tous les généraux, excepté Néon, d’envoyer à sa suite chacun un homme de confiance, puis il partit de nuit pour le camp de Seuthès, qui était à soixante stades de celui des Grecs. Quand on en fut près, on trouva des feux et il n’y avait point de troupes. Xénophon crut d’abord que ce Thrace avait décampé. Mais ayant entendu du bruit et des avertissemens que les sentinelles de Seuthès se donnaient les unes aux autres, il conçut que ce général faisait allumer ainsi des feux fort en avant des postes, afin qu’on ne pût voir les gardes qui se tenaient dans l’obscurité, ni savoir où elles étaient, et que tout ce qui s’en approchait au contraire ne réussît point à se cacher d’elles et fut aperçu à la lueur des flammes. Dès que Xénophon eut compris ce stratagème, il envoya en avant l’interprète qui se trouva à sa suite : « Annoncez, lui dit-il, à Seuthès que Xénophon est ici et veut conférer avec lui. » La garde demanda si c’était Xénophon d’Athènes, celui qui était à la tête de l’armée. « Lui-même, répondit le général. » Les Thraces en sautèrent de joie, et coururent en informer leur chef. Peu après, environ deux cents armés à la légère arrivèrent, prirent Xénophon et sa suite, et les menèrent à Seuthès. Ce Thrace était dans une tour où il se gardait avec soin. Elle était entourée de chevaux tout bridés ; car il avait la précaution de les nourrir dans le jour, et on était sur ses gardes pendant la nuit. On prétendait que jadis les peuples de ce pays même avaient tué beaucoup d’hommes et enlevé tous les équipages à une armée nombreuse que commandait Térès, l’un des ancêtres de Seuthès. Ces peuples sont les Thyniens, et ils passent pour être les plus belliqueux des Thraces dans les entreprises nocturnes.

Lorsqu’on fut près de Seuthès, il ordonna qu’on fit entrer Xénophon avec deux hommes à son choix. Dès qu’ils furent introduits, on s’embrassa d’abord, et on but à la manière des Thraces, en se faisant passer de main en main des cornes pleines de vin. Seuthès avait avec lui ce même Médosade qu’il envoyait partout en députation. Xénophon commença ensuite à parler en ces termes : « Seuthès, vous m’avez envoyé d’abord à Chalcédoine Médosade que voici, pour me prier de concourir à faire passer l’armée en Europe. Vous me promettiez, à ce qu’il m’assurait, si je vous rendais ce service, de le payer par vos bienfaits. » Xénophon demanda ensuite à Médosade si cette assertion était vraie. Celui-ci en convint. « Le même Médosade revint vers moi lorsque j’eus repassé de Parium au camp, et m’assura que si je menais l’armée à votre secours, je serais traité par vous en ami et en frère, et que vous me donneriez de plus les villes maritimes qui sont en votre pouvoir. » Alors Xénophon pria encore Médosade d’attester ce qui en était, et ce Thrace confirma que le général n’avait rien dit que de vrai. « Rapportez donc maintenant à Seuthès, dit Xénophon, quelle réponse vous reçûtes de moi à Chalcédoine. — Vous me répondîtes d’abord que l’armée allait passer à Byzance, qu’il était inutile de gagner ni vous, ni aucun autre Grec pour obtenir ce qui était déjà résolu. Vous ajoutâtes que vous quitteriez l’armée bientôt après son passage, et tout ce que vous m’annonçâtes s’est trouvé vrai. — Que vous ai-je dit, répliqua Xénophon, lorsque vous me vîntes trouver à Selymbrie ? — Vous me dites que je vous proposais l’impossible, que l’armée allait s’embarquer à Périnthe et retourner en Asie. — Je me présente

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