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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/620

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LA CYROPÉDIE, LIV. I.

Assyriens allaient à leur rencontre, serrés et rangés en bataille, fut alarmé pour Cyaxare et pour Cyrus, du danger qu’ils couraient, s’ils tombaient en désordre sur des troupes bien préparées à les recevoir. : il marcha droit à l’ennemi. Dès que les Assyriens s’aperçurent du mouvement d’Astyage, ils firent halte, le javelot à la main et l’arc bandé, ne doutant pas que les Mèdes ne s’arrêtassent, suivant leur coutume, à la portée du trait. Jusqu’alors, les combats des deux nations n’avaient été que de simples escarmouches ; elles s’approchaient, elles se provoquaient à coups de flèches, souvent des jours entiers. Mais les Assyriens voyant, d’un côté, leurs coureurs se replier sur le corps de l’armée, devant Cyrus qui leur donnait la chasse ; de l’autre, Astyage déjà posté avec sa cavalerie à la portée de l’arc, ils se découragèrent et prirent la fuite. Ils furent poursuivis par les troupes réunies d’Astyage, qui firent un grand nombre de prisonniers : tout ce qui tombait sous leur main, hommes, chevaux, était frappé ; on tuait ce qui ne pouvait suivre. L’ennemi fut poussé ainsi jusqu’au poste de l’infanterie assyrienne, où l’on s’arrêta, crainte de quelque embuscade. Astyage s’en retourna, glorieux de l’avantage de sa cavalerie, mais embarrassé de ce qu’il dirait à Cyrus ; car s’il ne pouvait douter que le succès de la journée ne lui fût dû, il avait à lui reprocher son emportement dans l’action.

Et de fait, pendant que l’armée se retirait, Cyrus resté seul sur le champ de bataille, le parcourait à cheval contemplant les morts. Ses gardes ne l’en arrachèrent qu’avec peine, pour le mener au roi. Cyrus, en approchant de son aïeul, tâchait de se cacher derrière eux, parce qu’il remarquait sur son visage un air de mécontentement. Voilà ce qui se passa chez les Mèdes. Le nom de Cyrus était dans toutes les bouches ; il devenait l’objet de tous les chants, le sujet de tous les entretiens. Astyage, qui auparavant le considérait, ne put dès-lors se défendre de l’admirer.

Quelle dut être la joie de Cambyse, en apprenant les exploits de son fils ! Au récit de tant d’actions d’un homme fait, il le rappela pour achever son cours d’éducation, suivant les usages des Perses. On prétend que Cyrus, pour ne point déplaire à son père et ne pas donner lieu aux reproches de ses compatriotes, déclara lui‑même qu’il voulait partir. Astyage, sentant qu’il fallait consentir à son départ, lui donna les chevaux qu’il voulut emmener, et le renvoya comblé de présens. À la tendre amitié qu’il avait pour lui, se joignit l’espoir qu’il serait un jour l’appui de ses amis, la terreur de ses ennemis.

À son départ, les enfans, les jeunes gens, les hommes faits, les vieillards, Astyage lui‑même, tous à cheval, l’accompagnèrent ; tous revinrent en pleurant. Ce ne fut pas aussi sans beaucoup de larmes, que Cyrus se sépara d’eux. On assure qu’il distribua à ses jeunes amis une grande partie des présens d’Astyage ; qu’il se dépouilla, entre autres, de sa robe médique, pour la donner à un de ses camarades, comme gage de son affection particulière. Ceux qui avaient accepté les présens, les renvoyèrent au roi, qui les fit remettre à Cyrus, mais tout fut renvoyé en Médie. « Si tu veux, écrivait‑il à son aïeul, que je retourne avec honneur dans tes états, permets que chacun garde le don que je lui ai fait. » Astyage se rendit au vœu de son petit‑fils.

Je ne dois pas omettre une anecdote amoureuse. Au moment du départ de Cyrus, tous ses parens, près de le quitter, le baisèrent à la bouche, suivant un usage des Perses qui s’observe