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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/63

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et intérieur ayant été successivement forcés par la flotte d’Alexandre, la ville fut emportée d’assaut après un siége de sept mois.

Les Tyriens n’avaient rien oublié de ce qui pouvait contribuer à leur défense. Outre la multitude de machines de jet dont ils firent usage, ils employèrent des corbeaux à griffe, espèces de grues plantées sur le rempart, avec lesquelles ils enlevaient les hommes. Les traits enflammés qu’ils lançaient sur les tours, les tortues et les vaisseaux, occasionnaient des incendies que l’eau ne pouvait pas toujours éteindre ; enfin, au moyen des balistes, ils jetèrent des boucliers d’airain rougis dans la fournaise, et remplis de sable ardent.

Cette dernière invention fut une des plus terribles pour les assiégeans ; car à peine le sable avait atteint le défaut de la cuirasse, qu’il pénétrait jusqu’aux os, et que le soldat, accablé par la douleur, était obligé d’abandonner ses vêtemens et ses armes. Ce siége si long ne coûta cependant que quatre cents Macédoniens. Les anciens apportaient autant de soin pour se couvrir dans les opérations d’un siége, qu’ils montraient d’ardeur à joindre l’ennemi sur le champ de bataille.

Après la prise de Tyr, Alexandre marcha vers Gaza, située sur un rocher à deux lieues de la mer. Il fallut élever une terrasse haute de deux cent cinquante pieds, avec une largeur et une longueur non moindres, afin d’y placer à l’aise toutes les machines. On ouvrit aussi une galerie souterraine, et l’on pratiqua une mine sous les fondemens de la muraille, qui croula dans plusieurs endroits. L’eunuque Betis, qui commandait la place, s’est fait un nom par deux mois d’une défense vigoureuse ; il soutint trois assauts, et ne put être forcé qu’au quatrième, que l’on parvint à escalader les brèches sur plusieurs points à-la-fois.

Dans les temps qui précédèrent les règnes de Philippe et d’Alexandre, la Grèce n’avait point vu de grands appareils de siége. Philippe parut auprès de Byzance avec des tours, des tortues-belières, et un train considérable de balistes et de catapultes fabriquées par Polydus. Au siége de Pérynthe, on voit que ce prince avait des tours de quatre vingts coudées.

Polydus eut pour disciples Diades et Chéreas. Ils servirent sous Alexandre, s’occupèrent beaucoup de machines, et prescrivirent les règles qu’on devait suivre dans leur construction. Les tours étaient toujours carrées, divisées en plusieurs étages, et l’on donnait à la base, les deux septièmes, souvent même le tiers et la moitié de la hauteur totale. Le diamètre diminuait insensiblement d’étage en étage, et celui du dernier entablement ne présentait plus que les quatre cinquièmes de la largeur du premier. On attibue à Diades la tarrière, belier pointu et roulant sur des cylindres ; le corbeau démolisseur ; et le tollenon, machine ascendante au moyen de laquelle on portait de plein pied des hommes sur le mur.

Tous les appareils que Diades construisit pour Alexandre, pouvaient se démonter. Ce mécanicien célèbre voulait que la plus petite tour n’eût pas moins de soixante coudées de hauteur, avec dix étages, et la plus grande devait être portée jusqu’à cent vingt coudées. Ces tours étaient montées sur de grosses roues pleines, tournant dans un essieu transversal à la base, et les principes du mouvement de ces roues se trouvaient renfermés dans l’intérieur de la machine. C’était la perfection de l’art.

Philippe et Alexandre, sous lesquels la science de la guerre fut poussée à son dernier période dans toutes les branches