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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/64

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qui la composent, n’employèrent jamais que des hélépoles moyennes ; celles de première grandeur ont été très rares, et l’histoire n’en fait connaître aucune qu’on ait osé pousser jusqu’aux dernières limites indiquées par Diades, dans ces sortes de constructions.

Démétrius assiégea Salamine avec une tour de quatre-vingt-dix coudées de hauteur, et neuf étages ; et il parut devant Rhodes avec une hélépole qui avait quatre-vingt-dix-neuf coudées. Diodore dit que trois mille quatre cents hommes servaient cette énorme machine. Démétrius avait aussi des tortues-belières de cent vingt coudées de longueur. Le sort de l’hélépole qu’il amena devant Rhodes ne fut pas heureux ; elle s’enfonça dans une mine creusée par les assiégés sur son passage. Démétrius aimait la guerre avec passion, et s’attacha ce qu’il y avait de plus habiles ingénieurs pour la conduite des siéges. Lui-même a passé pour être fort inventif dans cette partie, ce qui lui a fait donner le surnom de Poliorcète.

La défense brillante de Gaza, dont on soupçonnait à peine l’existence, contrasterait singulièrement avec la prompte soumission de l’Égypte, si l’on ne savait que le vœu de la nation, fatiguée du joug des Perses, appelait Alexandre dans ce pays. Les Tyriens avaient donné à ce prince une haute idée des ressources que peut fournir le commerce ; il résolut de les leur enlever en bâtissant une cité rivale. « Il choisit l’emplacement de sa nouvelle ville avec un si merveilleux discernement, dit Robertson, qu’elle devint une des places de commerce la plus considérable de l’ancien monde ; et que, malgré les révolutions continuelles, elle ne cessa point d’être, pendant dix-huit siècles, le principal siége du commerce de l’Inde. »

Les bouches du Nil n’offraient aucun de ces avantages ; la seule situation convenable était éloignée de douze lieues du fleuve, et au centre d’un désert. Les anciens rois de Perse avaient coutume d’entretenir une garnison sur cette plage. La nouvelle ville fondée par Alexandre ouvrit l’Égypte, comme le fait observer Montesquieu, dans le lieu même où les rois ses prédécesseurs avaient une clef pour la fermer.

L’état de splendeur d’Alexandrie dura jusqu’à ce que la construction du Caire, par les soudans, y donna la première atteinte ; cette splendeur cessa enfin tout-à-fait lorsque les Portugais, par la découverte du Cap-de-Bonne-Espérance, eurent indiqué aux navigateurs une route moins courte et moins sûre, mais plus indépendante.




CHAPITRE XII.


Bataille d’Arbelle. — Passage de l’Hydaspe.


De retour d’Égypte, Alexandre reçut les secours en hommes qu’Antipater lui envoyait de la Macédoine et dont il avait le plus grand besoin, affaibli qu’il était par ses propres victoires. Ce prince s’avança vers l’Euphrate, et passa le fleuve à Thapsaque. Mazée, envoyé par Darius pour arrêter Alexandre, abandonna son poste, et se contenta de dévaster le pays qui aurait pu fournir des vivres aux Macédoniens.

Quatre jours après qu’Alexandre eut franchi sans résistance l’Euphrate et le Tigre, il découvrit un corps de cavalerie, le poursuivit, et apprit par les prisonniers que Darius était campé dans une grande plaine sur la rivière de Boumade près de Gaugamèle. Quelques jours de repos délassèrent les soldats macédoniens, qui se remirent en marche à dix heures du soir pour joindre l’ennemi au point du jour.