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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/694

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LA CYROPÉDIE, LIV. V.

coup qui ne fut pas mortel. Après ce bel exploit, il part pour joindre les Assyriens : il en est reconnu, pousse vigoureusement son cheval, et avec eux, seconde le roi dans la poursuite des fuyards. Plusieurs qui avaient des chevaux pesans, furent faits prisonniers par des ennemis mieux montés. La cavalerie de Gadatas déjà épuisée des fatigues de la route, était près de succomber, lorsqu’on vit Cyrus arrivant avec son armée.

Il faut croire que ce fut avec cette joie que ressentent des navigateurs qui découvrent le port, après la tempête. Cyrus fut d’abord surpris de ce qu’il voyait : mais quand il fut instruit et qu’il eut reconnu que les Assyriens venaient à lui, il fit avancer contre eux son armée en bataille. Les Assyriens, de leur côté, ayant vu le danger, prirent la fuite, et furent poursuivis par le corps de troupes commandé pour ces sortes d’occasions : Cyrus continua d’avancer avec le reste de l’armée, afin d’appuyer son détachement. On prit, dans cette déroute, plusieurs chars, dont les cochers avaient été renversés en voulant tourner pour s’enfuir, ou par d’autres accidens : quelques-uns furent coupés dans le chemin, et saisis par les cavaliers, qui tuèrent un grand nombre d’ennemis, entre autres, le traître qui avait blessé Gadatas. Quant à l’infanterie assyrienne qui assiégeait son château, une partie se sauva en fuyant dans la forteresse qu’on avait livrée au roi d’Assyrie ; l’autre avait prévenu l’arrivée des Perses, et s’était réfugiée dans une grande ville dépendante de ce prince, où lui-même chercha un asile avec sa cavalerie et ses chars.

Après cet exploit, Cyrus se retire sur les terres de Gadatas, donne ses ordres à ceux qui étaient chargés de la garde du butin, va le visiter, et s’informe de l’état de sa blessure. Mais Gadatas, le bras en écharpe, courut au devant de lui. « J’allais, lui dit Cyrus ravi de le voir, apprendre de toi-même comment tu te portes. — Et moi, j’accours, repartit Gadatas, pour contempler de nouveau le visage d’un homme qui a l’âme si généreuse, d’un prince qui n’ayant nul besoin de moi, qui ne m’ayant rien promis, qui n’ayant reçu personnellement de moi aucun service, pour cela seul que j’ai été de quelque utilité à ses amis, me secourt si puissamment que sans lui je périssais, et que par lui je suis sauvé. Non, j’en atteste les Dieux, si j’étais resté tel que m’avait formé la nature, et que j’eusse été père, je doute qu’un fils m’eût rendu les mêmes soins. Je connais des fils, entre autres le prince qui règne aujourd’hui en Assyrie, qui a fait plus de mal à son père qu’il ne pourra jamais t’en causer.

» — Mon cher Gadatas, reprit Cyrus, tu exaltes ma personne, et tu ne parles pas de ce qu’il y a ici de plus merveilleux. — Et quoi, Seigneur, dit Gadatas ? — C’est répondit Cyrus, le zèle de tant de Perses, de Mèdes, d’Hyrcaniens, de tout ce que tu vois d’Arméniens, de Saces, de Cadusiens, qui sont accourus à ton secours. — Que Jupiter, que les Dieux, s’écria Gadatas, comblent de biens ces nations, mais surtout le prince qui les a rendues ce qu’elles sont ! Seigneur, continua-t-il, daigne recevoir ces présens que mes facultés me permettent de t’offrir : ils serviront à traiter honorablement des hôtes qui méritent tes éloges. » Ses gens apportèrent des provisions en assez grande abondance pour qu’il y eût de quoi sacrifier, si on le désirait, et de quoi donner aux troupes un repas digne de leur valeur et de leurs succès.

Le chef des Cadusiens posté à l’ar-