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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/70

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marches d’Alexandre avaient été exactement mesurées sur les lieux, par les arpenteurs de ce prince, et qu’elles se trouvaient décrites dans un ouvrage particulier dont les historiens ont fait un usage fréquent.

Le choc de la bataille d’Arbelle avait été si terrible, qu’Alexandre éprouva peu d’obstacles à s’emparer de toute la Perse. Les Scythes mêmes furent vaincus. Ce conquérant résolut alors de subjuguer l’Inde, que l’on regardait déjà dans ce temps comme le pays le plus riche du monde connu. Il passa le fleuve Indus, reçut la soumission de plusieurs petits princes, dont l’un, nommé Taxile, lui envoya sept cents chevaux, trente éléphans, et le joignit lui-même dans la suite avec cinq mille fantassins. Mais étant informé que Porus, prince courageux, faisait ses dispositions pour lui disputer le passage de l’Hydaspe, et le repousser par les armes, Alexandre résolut de camper sur les bords du fleuve.

Il avait amené avec lui des équipages de bateaux, dont il s’était servi pour passer l’Indus, et que l’on démontait en plusieurs pièces, afin de les porter plus commodément. À son arrivée près des bords de l’Hydaspe, il vit Porus posté sur l’autre rive, avec toutes ses forces, et reconnut que ce roi avait mis des gardes dans les endroits guéables. Alexandre répandit de même des soldats le long du fleuve, rappela près de lui des troupes nombreuses, qui étaient restées dans les provinces en deçà de l’Hydaspe, et publia qu’il voulait demeurer dans son camp, jusqu’à ce que la crue des eaux, occasionnée par la fonte des neiges, fût écoulée.

Tel n’était pourtant pas son dessein. Mais voyant qu’il devenait impossible de forcer ce passage comme celui du Granique, à cause de la largeur du fleuve, et du nombre des combattans qui défendaient la rive, il résolut de le dérober. D’abord il fit tenter pendant la nuit divers endroits par sa cavalerie ; Porus y accourait aussitôt avec ses éléphans, et Alexandre retirait ses troupes. Ce prince répéta ce manége si souvent, que Porus pensa que c’était une feinte pour le fatiguer en tenant constamment ses troupes sous les armes ; il ne s’en inquiéta plus ; se contenta de doubler ses postes, et d’y placer des éclaireurs.

Alexandre, qui avait reconnu les sinuosités du fleuve, savait qu’à cinq lieues au-dessus de son camp, il existait un rocher, autour duquel l’Hydaspe se recourbait, et tout auprès de ce rocher une île déserte entièrement boisée, ainsi que le pays situé du côté du rivage qu’il occupait. Ce fut ce point qu’il choisit pour exécuter son entreprise.

Par ses ordres, on prépara ostensiblement tous les matériaux qui pouvaient faire supposer qu’on allait franchir le fleuve vis-à-vis du camp, tandis que l’on s’occupait, en secret, à construire des radeaux, à coudre des peaux remplies de paille, à rassembler enfin les pièces des bateaux et des galères portés vers le lieu du passage, où la forêt couvrait les travailleurs.

Quand tout fut prêt[1], Alexandre partit à la tête de l’Agema (les Argyraspides) ; des chevaux d’Héphæstion, de Perdiccas et de Démétrius ; des Bactriens, des Saydiens, de la cavalerie scythe, des archers Dahes à cheval, des Hypaspistes, de deux sections de la phalange ; des archers et des Agriens. Tous ces détachemens ne composaient que six mille hommes d’infanterie et cinq mille chevaux ; ce qui doit faire supposer que les différens corps désignés par Arrien n’y étaient pas en entier.

Alexandre s’éloigne assez du rivage

  1. Voyez l’ATLAS.