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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/72

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de passer et de venir renforcer son avant-garde.

Après quelques momens d’incertitude, Porus résolut enfin d’aller à la rencontre d’Alexandre, et laissa seulement dans son camp quelques éléphans pour tenir en respect les corps de Cratérus. L’armée indienne comptait trente mille hommes d’infanterie, et quatre mille de cavalerie. Elle avait aussi trois cents chariots et deux cents éléphans.

Arrivé dans un endroit où le terrain ferme et sablonneux lui parut propre à faire mouvoir ses chariots, Porus rangea son infanterie et la couvrit par ses éléphans éloignés de cent pieds les uns des autres. Ils étaient destinés à effrayer la cavalerie d’Alexandre, et dans leurs intervalles on avait placé des troupes légères pour les seconder et garantir leurs flancs. Sa cavalerie occupait les deux ailes avec quelques chariots, car la plus grande partie de ces machines fut portée à la gauche, parce que la droite était peu éloignée de la rivière, et que le terrain n’offrait aucune solidité.

Alexandre parut d’abord avec sa cavalerie, qu’il fit manœuvrer pour imposer à l’ennemi en attendant son infanterie. Il détacha aussi deux escadrons sous les ordres de Cœnus pour aller se poster devant la droite des Indiens. Les archers à pied qui suivaient de près, se formèrent à la gauche de la cavalerie et la continuèrent.

La phalange arriva en diligence précédée par les Agriens. Alexandre lui laissa le temps de reprendre haleine, et lui ordonna de ne pas bouger avant qu’il eût ébranlé l’ennemi. Cœnus devait marcher sur la droite qui était très faible, et lorsqu’il l’aurait renversée, tourner par derrière pour venir prendre en queue l’aile gauche, pendant qu’Alexandre l’attaquerait de front.

Ainsi Cœnus après avoir rompu la cavalerie de la droite n’avait pas reçu l’ordre de se replier tout de suite sur le flanc de l’infanterie, ce qui était bien plus court, mais de faire un long circuit par derrière la ligne, pour venir retomber sur la gauche. On voit par cette manœuvre que l’infanterie d’Alexandre étant peu nombreuse et très fatiguée, ce prince ne voulait point engager le combat contre celle de l’ennemi, qu’il n’eût entièrement défait sa cavalerie.

Lorsqu’on fut à la portée du trait, Alexandre commença l’attaque avec sa cavalerie de l’aile droite, pour tâcher de déborder l’ennemi, en s’approchant de lui obliquement. Porus, qui voyait son dessein, prolongea aussi sa ligne, et gagna du terrain sur la gauche.

Pendant que ce mouvement s’exécutait, les archers à cheval vinrent faire leur décharge sur la cavalerie ennemie, qui fut obligée de s’arrêter. Alexandre, dont les escadrons étaient légers et manœuvraient plus vivement que ceux des Indiens, se trouva bientôt sur leur flanc, et Cœnus parut presque en même temps par les derrières. Cet accident les obligea de changer leur ordonnance, mais Alexandre les chargea dans ce moment de désordre et les renversa.

Ils se retirèrent sur le flanc de l’infanterie où ils se rallièrent, et la phalange se mit alors en mouvement. Porus envoya les éléphans contre elle ; l’infanterie légère des Agriens et les archers à pied les accablèrent à coups de flèches et de javelots ; toutefois les éléphans fondirent avec tant d’impétuosité que la phalange fut obligée de s’ouvrir et de leur faire place.

Sur ces entrefaites, la cavalerie indienne étant revenue à la charge, fut rompue une seconde fois, et rejetée sur son infanterie contre laquelle la phalange