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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/74

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qui, après avoir éprouvé des privations continuelles à travers les contrées désertes du pays des Orites et de la Gédrosie, regagna enfin la Perse où le prince fut rejoint par ses autres généraux.

Dans les différentes régions qu’il parcourut, Alexandre fonda bien des villes ; Plutarque en compte plus de soixante-dix. Quoi qu’il en soit de ce nombre contesté par d’autres écrivains, il est certain que ce prince avait conçu un projet qui montre assez combien sa politique était profonde : c’était d’établir depuis les bords de la mer Ionienne jusqu’aux rives de l’Hyphase une telle suite de cités et de places fortes, que s’il eût fait un second voyage dans l’Inde, ses armées devaient trouver partout des subsistances et des secours.




CHAPITRE XIII.


État de l’art sous les successeurs d’Alexandre. — De Pyrrhus. — De Philopœmen, surnommé le dernier des Grecs.Troisième bataille de Mantinée.


« Alexandre, dit Montesquieu, ne partit qu’après avoir assuré la Macédoine contre les peuples barbares qui en étaient voisins, et achevé d’accabler les Grecs : il ne se servit de cet accablement que pour l’exécution de son entreprise ; il rendit impuissante la jalousie des Lacédémoniens ; il attaqua les provinces maritimes ; il fit suivre à son armée de terre les côtes de la mer, pour n’être point séparé de sa flotte ; il se servit admirablement bien de la discipline contre le nombre ; il ne manqua point de subsistance. Et, s’il est vrai que la victoire lui donna tout, il fit aussi tout pour se la procurer.

» Dans le commencement de son entreprise, c’est-à-dire dans un temps où un échec pouvait le renverser, il mit peu de chose au hasard : quand la fortune le mit au-dessus des événemens, la témérité fut quelquefois un de ses moyens. Lorsqu’avant son départ, il marche contre les Triballiens et les Illyriens, vous voyez une guerre comme celle que César fit depuis dans les Gaules. Lorsqu’il est de retour dans la Grèce, c’est comme malgré lui qu’il prend et détruit Thèbes : campé auprès de leur ville, il attend que les Thébains veuillent faire la paix ; ils précipitent eux-mêmes leur ruine. Lorsqu’il s’agit de combattre les forces maritimes des Perses, c’est plutôt Parménion qui a de l’audace, c’est plutôt Alexandre qui a de la sagesse. Son industrie fut de séparer les Perses des côtes de la mer, et de les réduire à abandonner eux-mêmes leur marine dans laquelle ils étaient supérieurs.

» Le passage du Granique fit qu’Alexandre se rendit maître des colonies grecques ; la bataille d’Issus lui donna Tyr et l’Égypte ; la bataille d’Arbelle lui donna toute la terre.

» Après la bataille d’Issus, il laisse fuir Darius et ne s’occupe qu’à affermir et à régler ses conquêtes ; après la bataille d’Abelle, il le suit de si près, qu’il ne lui laisse aucune retraite dans son empire. Darius n’entre dans ses villes ou dans ses provinces, que pour en sortir ; les marches d’Alexandre sont si rapides, que vous croyez voir l’empire de l’univers, plutôt le prix de la course, comme dans les jeux de la Grèce, que le prix de la victoire.

» C’est ainsi qu’il fit ses conquêtes ; voyons comment il les conserva.

» Il résista à ceux qui voulaient qu’il traitât les Grecs comme maîtres, et les Perses comme esclaves : il ne songea qu’à unir les deux nations, et à faire perdre les distinctions du peuple conquérant et du peuple vaincu : il abandonna après la conquête, tous les préjugés qui