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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/805

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ARRIEN, LIV. II.

ébranlés, les attaque en flanc, et en fait un horrible carnage.

Les chevaux Perses en regard des Thessaliens, sans les attendre au-delà du fleuve, le passent bride abattue, et tombent sur la cavalerie opposée : ils combattirent avec acharnement, et ne cédèrent que lorsqu’ils virent les Perses mis en fuite, et les Grecs taillés en pièces. Alors la déroute fut complète.

La cavalerie des Perses souffrit beaucoup dans cette fuite, et de l’embarras de son armure pesante, et du désordre qui se mit dans les rangs ; tous, dans leur épouvante, se pressaient en foule les uns sur les autres dans les défilés, de manière que les leurs en écrasèrent davantage que l’ennemi n’en détruisit : les Thessaliens pressent vivement les fuyards ; le carnage de la cavalerie égale celui de l’infanterie.

Dès qu’Alexandre eut enfoncé l’aile gauche des Perses, Darius se sauva avec les premiers sur un char qu’il ne quitta point tant qu’il courut à travers plaine ; mais arrivé dans des gorges difficiles, il abandonne son char, son bouclier, sa pourpre, son arc même, et fuit à cheval. La nuit qui survint bientôt, le dérobe aux poursuites d’Alexandre, qui ne cessent qu’avec le jour. Le vainqueur retourne vers son armée, et s’empare du char et des dépouilles de Darius. Alexandre l’eût pris lui-même, si, pour le poursuivre, il n’eût attendu le rétablissement de sa phalange ébranlée, la défaite des Grecs et la déroute de la cavalerie des Perses. Ils perdirent Arsame ; Rhéomitrès ; Atizyès, l’un de ceux qui, au Granique, avaient commandé la cavalerie ; Sabacès, satrape d’Égypte, et Bubacès, un des Perses les plus distingués. On évalue à cent mille le nombre général des morts, dont dix mille chevaux ; de sorte que, au rapport de Ptolémée, qui accompagnait Alexandre dans cette poursuite, on traversa des ravins comblés de cadavres.

Au premier abord on se rendit maître du camp de Darius ; on y trouva la mère, la femme, la sœur, et un fils jeune encore du monarque de l’Asie, avec deux de ses filles et quelques femmes des principaux de son armée, toutes les autres avaient été conduites avec les bagages à Damas, où Darius avait fait porter la plus grande partie de ses trésors, et tous les objets de magnificence que traînent à l’armée les rois de Perse.

On ne trouva dans le camp que trois mille talens ; mais Parménion envoyé à Damas par Alexandre, y recueillit toutes les richesses du vaincu.

Telle fut l’issue de cette journée, qui ent lieu dans le mois Maimactèrion, Nicostrate étant Archonte à Athènes.

Le lendemain Alexandre, quoique souffrant encore d’une blessure qu’il avait reçue à la cuisse, visite les blessés, fait inhumer les morts avec pompe, en présence de son armée rangée en bataille, dans le plus grand appareil. Il fait l’éloge des actions héroïques dont il avait été témoin, ou que la voix générale de toute l’armée publiait, et honora chacun d’entre eux de largesses selon leur mérite et leur rangs. Balacre, l’un des gardes de sa personne, est nommé satrape de Cilicie et remplacé par Mènes ; Polysperchon succède au commandement de Ptolémée, qui avait péri dans le combat. On remet aux habitans de Soles les cinquante talens qui leur restaient à payer ; on leur rend leurs otages.

Chap. 6. Alexandre étendit ses soins sur la mère de Darius, sa femme et ses enfans. Quelques historiens rapportent qu’après la poursuite, étant entré dans la tente de ce roi qu’on lui avait réservée, il fut frappé de la désolation et des cris