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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/806

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ARRIEN, LIV. II.

des femmes ; il demande pourquoi ces cris qu’il entend près de lui, et quelles sont ces femmes. On lui répond que la mère de Darius, sa femme et ses enfans apprenant que son arc, son bouclier et son manteau sont au pouvoir du vainqueur, ne doutent plus de sa mort, et le pleurent. Alexandre leur envoie aussitôt Léonnatus, l’un des Hétaires, pour leur annoncer que Darius est vivant, qu’Alexandre ne possède que les dépouilles laissées sur son char. Léonnatus s’acquitte de sa commission, et ajoute qu’Alexandre leur conserve les honneurs, l’état et le nom de reine : que ce prince n’avait point entrepris la guerre contre Darius par haine personnelle, mais pour lui disputer l’empire de l’Asie.

Tel est le récit de Ptolémée et d’Aristobule : on ajoute que le lendemain Alexandre entra dans l’appartement des femmes, accompagné du seul Éphestion. La mère de Darius, ne sachant quel était le roi, car nulle marque ne le distinguait, frappée du port majestueux d’Éphestion, se prosterna devant lui. Avertie de sa méprise par ceux qui l’entouraient, elle reculait confuse, lorsque le roi : « Vous ne vous êtes point trompée, celui-là est aussi Alexandre. » Je ne certifie point la vérité du fait, il suffit qu’il soit vraisemblable. S’il en fut ainsi, Alexandre me paraît digne d’éloge, par la noble générosité qu’il montra en consolant ces femmes, et en élevant son ami : si ce fait est supposé, ce prince mérite encore des éloges pour en avoir été jugé capable.

Cependant Darius fuyait dans la nuit avec peu de suite. Le lendemain, recueillant les débris des Perses et des étrangers à sa solde, il rassemble environ quatre mille hommes, et gagne Thapsaque en diligence pour mettre l’Euphrate entre lui et Alexandre.

D’autre part, les transfuges Amyntas, Thymodès, Aristomède de Phère, et Bianor, Acarnanéen, fuyant par les hauteurs qu’ils avaient occupées, arrivent à Tripoli en Phénicie, avec huit mille hommes. Là, trouvant à sec les vaisseaux qui les avaient amenés de Lesbos, ils mirent à flots le nombre de bâtimens nécessaire pour les transporter ; et ayant brûlé le resté dans les chantiers, pour ne laisser aucun moyen de les poursuivre, se sauvèrent à Cypros et de là en Égypte où, voulant remuer, Amyntas fut tué quelque temps après par les habitans du pays.

Cependant Pharnabase et Autophradates, après avoir séjourné quelque temps dans l’île de Chio, y laissèrent une garnison, et ayant détaché des vaisseaux vers Cos et Halicarnasse, vinrent devant Syphnos avec cent de leurs meilleurs bâtimens.

Là, une trirème conduisit Agis, roi des Lacédémoniens ; il venait demander de l’argent, un renfort de troupes de terre et de mer, pour tenter une invasion dans le Péloponnèse. Ils apprennent la défaite d’Issus. Frappés de cette nouvelle, Pharnabase retourne à Chio avec douze trirèmes et quinze cents stipendiaires, pour prévenir le mouvement que cet échec pourrait exciter dans l’île ; Agis reçoit trente talens d’Autophradates et dix trirèmes, dont il remet le commandement à Hippias pour les conduire vers son frère Agésilas, à Ténare, avec ordre de donner aux matelots paie complète, et de se porter rapidement en Crète pour la maintenir. Lui-même, après s’être arrêté quelque temps à ces parages, rejoint Autophradates à Halicarnasse.

Alexandre part pour la Phénicie, après avoir établi Memnon Cerdimas, satrape de la Cœlo-Syrie, ayant sous