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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/855

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ARRIEN, LIV. V.

Tous les fleuves célèbres de l’Asie descendent du Caucase et du Taurus ; les uns coulent vers le Nord et se jettent soit dans les Palus-Méotides, soit dans la mer Caspienne ; les autres coulent au Midi, tels l’Euphrate, le Tigre, l’Indus, l’Hydaspe, l’Acésinès, l’Hydraote, l’Hyphase, et enfin tous ceux qui arrosent les régions de l’Inde jusqu’au Gange. Quelques-uns forment des Marais et plongent sous la terre comme l’Euphrate ; une partie se décharge dans les mers.

L’Asie est donc coupée dans sa longueur de l’Est à l’Ouest, par le Taurus et le Caucase qui la partagent en méridionale et en septentrionale ; la première se subdivise en quatre régions, dont l’Inde est la plus grande, au rapport d’Ératosthène et de Mégasthène. (Ce dernier fixé chez Sibyrtius, satrape des Arachotiens, fit, ainsi qu’il nous l’apprend, plusieurs voyages à la cour de Sandracotte, roi des Indiens.) La moins étendue de ces régions est celle enclavée entre l’Euphrate et la Méditerranée ; les deux autres, situées entre l’Euphrate et l’Indus, ne peuvent, même réunies, se comparer à l’Inde. Celle-ci est bornée à l’Orient et au Midi par l’Érythrée, au Nord par le Caucase et le Taurus, et à l’Occident par l’Indus dans toute l’étendue de son cours.

L’Inde s’étend presque partout en plaines : on les croit formées par les attérissemens des fleuves débordés. C’est ainsi qu’aux bords de la mer croissent ces plaines qui empruntent le nom des fleuves à qui elles doivent leur origine ; ainsi l’Hermus qui tombe du mont de Cybèle en Asie, et se décharge près de Smyrne en Éolie, a donné son nom aux champs d’Hermus ; ainsi le Lydius à la plaine du Cayster, le Caïcus à la Mysie et le Méandre à la Carie qui s’étend jusqu’à Milet. Ainsi l’Égypte est un présent du Nil, s’il en faut croire Hérodote et l’historien Hécatée (supposé que l’ouvrage qui porte son nom soit effectivement de lui.) Hérodote le prouve d’une manière irrésistible ; il paraît même que le fleuve a donné son nom à cette contrée ; il s’appelait l’Égyptus au rapport d’Homère, qui fait aborder la flotte de Ménélas à l’embouchure de l’Égyptus.

Que si des fleuves peu considérables entraînent depuis leur source jusqu’à leur embouchure assez de limon pour en former des plaines, comment ne pas attribuer le même effet à ceux qui arrosent les champs de l’Inde. L’Hermus, et le Caytser, et le Caïcus, et le Méandre, et les autres fleuves de l’Asie qui se déchargent dans la Méditerranée, si leurs eaux étaient réunies, loin de pouvoir être mis en parallèle avec le Gange, le plus grand des fleuves, qui surpasse le Nil même et l’Ister, ne sauraient être comparés à l’Indus qui, déjà considérable à sa source, se jette dans les mers grossi dans sa course des eaux de quinze grands fleuves.

C’en est assez sur l’Inde ; je m’étendrai davantage dans l’histoire spéciale que j’en écrirai.

Aristobule et Ptolémée, qui sont ici mes guides, ne m’instruisent point de la manière dont fut formé le pont jeté sur l’Indus. Fut-il construit avec des bateaux, comme ceux que Xerxès jeta sur l’Hellespont, et Darius sur le Bosphore et l’Ister, ou était-ce un pont à demeure et continu ? J’incline pour le premier parti ; en effet, la profondeur du fleuve devait rendre l’opération d’y bâtir un pont fort difficile, et le temps aurait manqué pour une si grande entreprise. Ensuite ce pont de bateaux a-t-il été formé en les attachant les uns aux autres, comme on fit, selon Hérodote, au passage de l’Hellespont, ou en les joignant par des traverses de bois de la