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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/891

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ARRIEN, LIV. VII.

tion qui pût en laisser entrevoir le sentiment[1].

Alexandre aperçut dans sa route le champ où paissent les cavales des haras royaux. On l’appelle la prairie de Nysée, au rapport d’Hérodote : de là le nom de Nyséennes donné à ces cavales dont le nombre s’élevait autrefois à cent cinquante mille. Alexandre n’en trouva que le tiers, le reste ayant été volé.

Chap. 4. Atropates, satrape de Médie, lui amena cent amazones équipées en cavaliers, portant la hache au lieu de javelot, et la pelta au lieu de bouclier. On raconte qu’elles ont le sein droit plus petit, et qu’elles le découvrent dans les combats. Alexandre les renvoya pour ne point les exposer aux outrages des Macédoniens ou des Barbares, et les chargea d’annoncer à leur reine qu’il naîtrait un enfant d’elle et d’Alexandre. Mais, ni Aristobule, ni Ptolémée, ni aucun historien digne de foi, n’ont transmis ce fait. La race des Amazones devait être éteinte depuis long-temps ; avant Alexandre, Xénophon n’en fait point mention, quoiqu’il parle du Phase, de la Colchide et de toute la côte barbare que les Grecs parcoururent après leur départ, et avant leur retour à Trébizonde, aux environs de laquelle ils ne trouvèrent point d’Amazones. Non que je veuille révoquer en doute leur existence, attestée par tant d’historiens célèbres. On raconte généralement qu’Hercule marcha contre elles, et rapporta dans la Grèce le ceste de leur reine Hippolyte ; que les Athéniens, conduits par Thésée, défirent les Amazones qui tentèrent une invasion dans l’Europe. Cimon a décrit ce combat avec autant de soin que celui des Athéniens contre les Perses. Hérodote fait souvent mention de ces femmes, et tous les panégyristes des guerriers morts dans les combats rapportent celui des Amazones. Les femmes qu’Atropates présenta au conquérant étaient sans doute des Barbares exercées à courir à cheval et montées à la manière des Amazones.

Arrivé à Ecbatane, Alexandre y fit célébrer, selon sa coutume, en reconnaissance de ses succès, des sacrifices et les jeux du gymnase et de la lyre : il se livre avec les Hétaires aux débauches de la table.

Cependant Héphæstion tombe malade, et le septième jour, au moment où Alexandre considérait les jeux gymniques, on lui annonce que le mal redouble ; il quitta précipitamment les jeux ; Héphæstion était mort quand il arriva. Les historiens varient sur les expressions de la douleur d’Alexandre ; tous s’accordent à la peindre comme extrême. Le tableau qu’ils en ont laissé est tracé d’après les sentimens d’amour ou de haine que chacun d’eux portait au prince ou à son favori. En outrant les expressions de sa douleur sur la perte de l’ami qu’il avait chéri le plus, les uns ont cru élever Alexandre, les autres ont cru le rabaisser en le présentant livré à des excès indignes de lui-même et d’un roi. Selon les uns, Alexandre éploré serait resté attaché pendant une grande partie du jour au corps de son ami, dont on ne l’aurait arraché qu’avec peine ; selon d’autres, il aurait passé sur ce cadavre un jour et une nuit, et il aurait fait mettre en croix le médecin Glaucias, pour avoir administré mal-à-propos un breuvage au malade, ou ne l’avoir pas empêché de s’enivrer. Je puis croire, qu’à l’exem-

  1. Il y a ici une lacune dans le texte. Arrien entrait sans doute dans quelques détails au sujet de l’ordre dont il vient de parler ; il racontait aussi la fuite d’Harpalus, qui emporta avec lui les trésors ; enfin la réconciliation d’Eumènes et d’Héphæstion.