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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/892

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ARRIEN, LIV. VII.

ple d’Achille, dont il affectait de suivre les traces, Alexandre ait coupé ses cheveux ; mais qu’il ait conduit lui-même le char sur lequel reposaient les restes d’Héphæstion ; mais que dans sa douleur il ait fait détruire le temple d’Esculape à Ecbatane, cela répugne à toute croyance ; cela convient mieux à l’impiété de Xerxès dont la vengeance jeta des chaînes à l’Hellespont. Il y a plus de vraisemblance dans la réponse suivante. Il marchait vers Babylone, et des députations grecques l’étaient venu trouver. Après avoir accordé la demande de celle d’Épidaure, il leur fit un présent qui devait être appendu dans le temple d’Esculape, en ajoutant : « J’ai pourtant à me plaindre de ce Dieu, qui n’a point sauvé celui que j’aimais plus que moi-même. » Il ordonna de sacrifier à Héphæstion comme à un héros. On ajoute qu’il envoya vers l’oracle d’Ammon, à l’effet d’en obtenir les honneurs divins pour Héphæstion, ce que Jupiter lui refusa. Tous les historiens s’accordent à dire qu’Alexandre refusa de prendre aucune nourriture pendant trois jours, durant lesquels il demeura plongé dans les pleurs et dans un sombre silence.

On dit qu’il lui fit préparer à Babylone des obsèques dont les dépenses s’élevèrent à dix mille talens, et ordonna un deuil général dans toute la Perse. Qu’alors plusieurs des Hétaires consacrèrent leurs armes et leurs personnes sur le tombeau d’Héphæstion ; et qu’Eumènes, qui avait été son ennemi, en ouvrit le premier la proposition pour ne point laisser soupçonner au prince qu’il pouvait se réjouir de la mort du favori.

Le rang de chiliarque, tenu par Héphæstion, ne fut point rempli ; la cavalerie des Hétaires qu’il commandait conserva son nom et son étendard. La pompe des jeux funèbres, remarquables par le luxe des dépenses et des prix, par le concours des spectateurs, surpassa celle de toutes les fêtes données jusqu’à ce jour. En effet, Alexandre y fit paraître jusqu’à trois mille athlètes qui devaient bientôt figurer dans ses propres funérailles.

Après un long deuil, consolé par ses amis, Alexandre tente une nouvelle expédition contre les Cosséens, nation belliqueuse et voisine des de Uxiens. Ces peuples habitent des montagnes qu’ils fortifient : pressés par une armée redoutable, ils se retirent sur des sommets escarpés, ou se dispersent dans des lieux inaccessibles ; et dès que l’ennemi a disparu, ils accourent ravager la campagne. Alexandre les attaque et les détruit au sein de l’hiver et de leurs montagnes ; rien n’est impossible à sa valeur ; accompagné de Ptolémée, qui dirigeait une partie de son expédition, il triomphe des frimats et des lieux.

Chap. 5. Il retourne à Babylone et rencontre des députés de l’Afrique qui venaient féliciter le maître de l’Asie. Il vint des députations de l’Italie, des Brutiens, des Lucaniens et des Étrusques ; il en vint de Carthage, des Éthiopiens, des Scythes d’Europe, des Celtes, des Ibères ; les Macédoniens entendirent les noms de quelques-uns pour la première fois ; tous venaient implorer leur alliance ; on en vit qui les invoquaient comme arbitres dans les différens élevés entre eux. Ce fut alors, pour la première fois, qu’Alexandre se crut véritablement le monarque de l’univers.

Ariste et Asclépiade ses historiens, rapportent que les Romains même députèrent vers ce prince, et qu’instruit de leurs vertus et de leurs institutions, il augura de leur future grandeur.

J’ai rapporté ce fait qui ne me paraît ni digne ni hors tout-à-fait de croyance. Aucun historien romain n’en fait men-