Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/894

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
893
ARRIEN, LIV. VII.

sur les bords de l’Euphrate. Le lendemain, comme il se dirigeait du couchant vers l’orient, il fut arrêté de ce côté par des marécages profonds qui ne lui permirent point de passer outre ; et, moitié de gré, moitié de force, il ne satisfit point aux Dieux.

Aristobule raconte un autre prodige. Apollodore d’Amphipolis, un des Hétaires, stratége de l’armée laissée près de Mazée, satrape de Babylone, voyant la sévérité que le roi développait, à son retour des Indes, à l’égard de tous ceux qu’il avait mis en place, écrivit à son frère Pithagore, l’un de ces devins qui jugent de l’avenir par l’inspection des entrailles des animaux, et le consulta pour lui-même. Pithagore lui répondit qu’il fallait l’instruire du nom de ceux qu’il redoutait. C’était Alexandre et Héphæstion. Pithagore consulta d’abord les entrailles sur le sort d’Héphæstion, et comme il manquait un des lobes du foie, il répondit qu’il n’y avait rien à craindre d’Héphæstion, menacé d’une mort prochaine. Cette lettre arriva, de Babylone à Ecbatane, la veille même de la mort d’Héphæstion. Le devin consulta ensuite les victimes sur le sort d’Alexandre ; elles offrent les mêmes indications, il fait la même réponse.

Apollodore, pour faire preuve de zèle envers Alexandre, lui découvrit le danger qui le menaçait. Le roi lui en sut gré, et, arrivé à Babylone, il interrogea Pithagore sur la nature du présage que celui-ci lui révéla. Loin de se fâcher contre Pithagore, le prince lui sut un gré marqué de lui avoir confié naïvement ces détails.

Aristobule annonce les tenir du devin même. Pithagore fit dans la suite, sur les mêmes signes, la même prédiction à Perdiccas et à Antigonus ; au premier, lorsqu’il faisait la guerre à Ptolémée ; au second, avant la bataille d’Ipsus contre Séleucus et Lysimaque : l’effet suivit la prédiction.

On rapporte aussi que le philosophe Calanus, au moment où il s’approchait du bûcher, embrassa tous les Hétaires, et s’arrêta vers Alexandre en lui disant : « Nous nous reverrons à Babylone, et c’est là que je t’embrasserai. » On fit alors peu d’attention à ces paroles, que l’on releva après la mort d’Alexandre.

À son entrée à Babylone il reçoit des députations grecques. On ne cite point le motif qui les amenait ; je pense qu’elles se bornaient à lui décerner des couronnes et des félicitations publiques sur son heureux retour de l’Inde. Il les renvoya comblées d’honneurs et d’égards ; leur fit rendre les statues des Dieux et des héros enlevées par Xerxès et transportées à Pasagarde, à Suse, à Babylone, ou dans les autres villes de l’Asie. Ce fut ainsi qu’Athènes recouvra les statues d’airain d’Harmodius et d’Aristogiton, et celle de Diane Cercéenne.

Au rapport d’Aristobule, il trouva sa flotte à Babylone, composée de deux quinquerèmes de Phénicie, trois quadrirèmes, douze trirèmes et trente triacontères. Une partie, sous la conduite de Néarque, avait remonté du golfe Persique dans l’Euphrate ; l’autre, sur les bords de la Phénicie, avait été démontée, les pièces en furent transportées à Thapsaque, où, les rassemblant de nouveau, on les mit à flot sur l’Euphrate.

Il ajoute qu’Alexandre fit construire une autre flotte, et abattre à cet effet les cyprès que l’on trouve dans la Babylonie. C’est le seul des bois de la Syrie qui soit propre à la construction des navires. La Phénicie, et toute la côte maritime, fournit la manœuvre et l’équipage. Alexandre fait creuser à Babylone un port qui pouvait contenir mille vais-